Le chanvre n'est plus un projet fumé en Creuse

Selon ses nouveaux promoteurs, le cannabis sativa est une plante de rêve... même allégée en substance psychotrope elle aurait de formidables vertus. Sa fibre, qui a accompagné le développement de l'humanité (textile, papier, cordage), est aujourd'hui un écomatériau de construction. Tandis que sa graine se transforme en huile ou en savon.

«Pour isoler toute une maison de la cave au grenier, il faut 1 hectare de chanvre cultivé », chiffre Théo Weimann, producteur de chènevotte en vrac, un matériau d'éco-construction de plus en plus demandé.

Actuellement, ce jeune agriculteur sème ses graines de chanvre à la main, sur deux hectares, dans les vallons de Chavanat. Il attaque sa quatrième campagne chanvrière.

Les semis de cannabis sativa lèvent rapidement. Si les paramètres sont favorables, les tiges dépasseront trois mètres. Autrefois, les fermes limousines avaient leur chènevière, pourvoyeuse de fibre à tout faire. La demi-douzaine de nouveaux producteurs du Limousin s'en tient aussi à des surfaces modestes.

À l'image de Théo Weimann, les membres de l'association Lo Sanabao (lire ci-dessous) privilégient des débouchés locaux. Théo a tourné le dos à une carrière dans la biochimie pour revenir au pays. Ses parents, éleveurs de chèvres et producteurs de fromages à Chavanat, lui ont confié des terres pour qu'il aille au bout de son idée : « Au départ, j'ai pensé produire du chanvre et le valoriser moi-même en travaillant dans l'isolation. Mon projet a évolué. Je vais intégrer le chanvre dans la rotation d'un système de polyculture élevage : je le cultiverai en alternance avec des céréales et des prairies fourragères », détaille Théo. Ce scientifique est convaincu des vertus agronomiques et écologiques de la plante : « Ses racines très profondes améliorent la structure du sol. Ses feuilles, avec leur fort pouvoir couvrant, sont un efficace désherbant. » Sur de bonnes terres à céréales, la culture du chanvre ne demande pas beaucoup de travail.

Du moins jusqu'à la fin de l'été, lorsque s'annonce la récolte. Pour Théo, c'est clair : « Il faut réserver tout son mois de septembre ». La récolte et la transformation du chanvre ont déjà découragé quelques pionniers limousins. La France cultive pourtant 10.000 hectares de chanvre, mais Théo fait le distinguo avec la culture industrielle : « En Champagne, c'est organisé. Les tiges sont mises en balles rondes et partent dans des usines de défibrage. Pour nos petites parcelles, nous n'avons pas de moyens mécaniques vraiment adaptés. » Théo a fauché manuellement la première année... avant de faire appel à un entrepreneur : « Avec une moissonneuse bien réglée, ça passe. Mais les risques de bourrage sont importants. C'est une fibre coriace, qui s'entortille... » La récolte du grain (le chènevis) est aussi assez délicate. Les graines doivent être parfaitement mûrs et que les conditions météo soient bonne. Mais la tige requiert aussi beaucoup d'attention Il faut la déchiqueter pour obtenir la chènevotte. Depuis deux ans, Théo « bidouille » en adaptant une ensileuse à maïs et une botteleuse. Ce manque d'outils adaptés freine l'essor du chanvre en Limousin.

En outre, la demi-douzaine de producteurs est éparpillée : « à plus de vingt kilomètres de distance, c'est difficile de mutualiser le matériel », estime Théo Weimann. La qualité des produits n'est pas forcément au bout de l'effort. Théo Weimann persévère et a choisi de vendre en direct sa production de chènevotte et de pelotes de tiges de chanvre, notamment à des auto constructeurs recherchant des matériaux bio et locaux. Il produit aussi le chènevis (les graines) et de l'huile destinés à la consommation alimentaire. Théo fabrique même des savons de chanvre. Devant toutes ces valorisations possibles, on se dit que la Creuse ne devrait pas laisser toutes les idées de développement suggérées par le chanvre... partir en fumée.

[Source:LePopulaire]

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