L'observatoire britannique des drogues compare l'usage de cannabis aux jeux d'argent et à la malbouffe


CANNABIS - Coïncidence ou bon timing? Au lendemain des déclarations de Vincent Peillon, le UK Drug Policy Commission (UKDPC), l'observatoire britannique des drogues, une institution indépendante qui réunit médecins et spécialistes des politiques publiques, lance un appel tonitruant en faveur de la dépénalisation de certaines drogues. Au terme de six ans de travaux d'observations et d'analyses, ses conclusions sont sans ambiguïté: l'usage de drogues est constitue un enjeu comparable aux jeux d'argent ou à la consommation de junk food, le cannabis devrait être dépénalisé.
De manière générale, l'usage de drogues devrait être davantage encadré par l'État qui devrait intégralement repenser sa politique en matière de lutte contre la drogue. "Les sociétés libres acceptent que des individus puissent avoir des comportements égoïstes ou modérément risqués tout en cherchant à les contenir", indique le rapport. Les membres de l'UKDPC ne font pas de cadeau à l'État et aux 3 milliards de livres-sterling qu'il dépense chaque année.
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Pour les rapporteurs, la politique de lutte contre la drogue ne repose sur aucun fondement réel et tant que le gouvernement britannique ne s'adaptera pas à la réalité, il continuera de gâcher non seulement de l'argent public, mais aussi des vies.
Dépénaliser le cannabis
Appelant à "repenser en intégralité", la politique de lutte contre le cannabis, les rapporteurs estiment que la possession d'une petite quantité de drogue par un individu pour son usage personnel devrait désormais constituer un délit et non plus un crime. En Angleterre, et au Pays de Galles, 42.000 individus sont condamnés chaque année pour possession de drogue. 160.000 autres sujets de sa majesté s'en sortent avec un simple rappel à la loi.
De la même manière, la Commission estime que cultiver du cannabis pour sa consommation personnelle "pourrait permettre de lutter contre la commercialisation de sa production." Celle-ci demande au Parlement britannique de reconsidérer toutes les sanctions liées à l'usage de drogue et en particulier celles qui concernent la production et l'offre de cannabis, tout en indiquant clairement que toutes les drogues ne devraient pas être dépénalisées ou légalisées.
"Actuellement, nous n'estimons pas qu'il y a suffisamment d'éléments pour nous permettre d'appeler à une dépénalisation de l'usage et de la production de la majorité des drogues", précise le rapport qui constate que l'apparition de nouvelles drogues a bouleversé le marché des produits illicites, et les moyens de le contrôler. D'où cette volonté de lever le pied sur les drogues les plus douces: "considérer que tous les usages de drogues sont problématiques diminue l'efficacité des politiques publiques", indique-t-il.
Cibler les efforts
Comparant l'usage de drogues aux jeux d'argents ou à la consommation de junk food, le rapport explique que "prendre de la drogue n'est pas toujours dangereux, mais que cette donnée n'est que rarement considérée par les politiques." Les rapporteurs ajoutent qu'ils "n'estiment pas qu'encourager des comportements responsables implique de lutter contre toutes les drogues dans toutes les cas de figure (...) La meilleure politique à suivre dépend de qui on parler, usagers ou distributeurs, des drogues qu'ils consomment ou distribuent, et d'autres facteurs qui leurs sont particuliers, ainsi que les dommages provoqués aux individus et à la société. Il n'existe pas de remède miracle"
"La médecine est sortie de l'époque où elle soignait les maladies sur la base de l'intuition ou des croyances populaires", a déclaré l'un des membres de la Commission, le professeur Colin Blakemore, ex-directeur exécutif du Medical Research Council, l'une des principales institutions publiques de recherche en Grande-Bretagne. "Aujourd'hui, il y a plus qu'un consensus sur l'idée qu'il est contraire à l'éthique, inefficace et dangereux d'employer des méthodes dont les bienfaits ne sont pas prouvées pour soigner certaines maladies. Il est temps que les politiques de lutte contre les drogues commencent à prendre au sérieux les preuves qu'elles ont sous leurs yeux."
L'efficacité comme orientation
Directrice de la Commission, Ruth Runciman, reconnaît que, si le gouvernement britannique a fait beaucoup pour réduire les dommages liés à l'usage de certaines drogues, notamment grâce aux programmes d'échanges de seringue pour les toxicomanes dont les résultats sont prouvés, c'est tout le reste des politiques publiques qui doivent néanmoins être repensées, sur la base de résultats. "Nous dépensons des milliards chaque année sans certitude aucune quant à l'impact que cela va avoir", insiste-t-elle.
Le rapport indique notamment que tout l'argent dépensé en campagne de prévention ciblée sur les drogues n'a aucun effet réel. En revanche, les campagnes de prévention qui s'attaquent plus généralement à la question du comportement à l'école, et ce qu'est un comportement normal, ont elles de véritables effets.
Contre-productif
Les rapporteurs concluent que les méthodes traditionnelles de lutte contre la drogue n'ont qu'un impact limité et généralement non pérenne sur la distribution de drogue. Et le rapport de citer un exemple très concret: "Lorsqu'un groupe de dealers est arrêté, cela conduit à une augmentation de la violence dans la zone où ce groupe opérait, puisqu'automatiquement une guerre s'engage entre les gangs pour récupérer le contrôle de ce territoire." La police devrait donc se concentrer sur les groupes et les dealers les plus violents.
De la même manière, le rapport estime que "les politiques actuelles peuvent être contre-productives lorsqu'elles pénalisent de jeunes adultes qui, en dehors de l'usage occasionnel de drogues, respectent la loi."
Un porte-parole du Home Office, l'équivalent britannique du ministère de l'intérieur, a réagit à la publication du rapport indiquant que "le gouvernement accueille la contribution de la Commission au débat sur les drogues, mais que le gouvernement demeure confiant en sa politique de lutte contre la drogue (...) L'usage de drogue est à son niveau le plus bas depuis que nous recueillons des données sur le phénomène."

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