Cannabis Médical : Casser la loi pour sauver des vies

Dans la plupart des pays, l'utilisation du chanvre est interdite même dans un but médical. L'automédication au cannabis a poussé un grand nombre de citoyens généralement respectueux des lois à entrer en conflit avec le système légal.

Savages : Lutte entre hippies et cartels

Dans Savages, le cinéaste américain Oliver Stone met en scène le combat implacable mais encore «hypothétique» entre des néo-hippies californiens et un cartel de la drogue mexicain cherchant à s’implanter de l’autre côté de la frontière.

INTERVIEW DE JORGE CERVANTES, LE GOUROU MONDIAL DU CANNABIS

Soft Secrets interview Jorge Cervantes, un des grands experts mondiaux du cannabis et collaborateur de Soft Secrets.

Cannabis : les bons plants du Colorado

Depuis 2000, cet Etat américain a légalisé l'usage médical du cannabis. De la culture des fleurs au commerce des produits dérivés, les business se multiplient. Une économie très profitable, y compris pour les finances locales.

La France accro à la prohibition

Publication en juin dernier à New York du rapport de la Commission mondiale sur la politique des drogues (Global Commission on Drug Policy) signé par une kyrielle de personnalités de stature mondiale qui constatent l'échec de la guerre à la drogue...

Prohibition : la solution ?

Interdire, toujours interdire davantage. Pas un jour sans qu’une nouvelle loi ou qu’une campagne d’information ne soit envisagée pour supprimer tel ou tel droit, pour rendre illégal tel ou tel comportement… Comme si notre civilisation, à bout de souffle et de moins en moins tolérante, cherchait ainsi des garde-fous pour éviter l’implosion. Pour autant s’agit-il de choix durables à long terme et efficaces ? Pas sûr. Pour preuve, différents exemples, choisis de façon partiale puisqu’il est ici impossible de traiter de tous les sujets.

Première illustration : l’euthanasie… ou le droit à mourirdemeurant pour l’heure toujours interdit en France bien qu’il soit autorisé dans d’autres pays d’Europe (Belgique et Suisse notamment). Une question hautement morale (voir religieuse) qui, par conséquent, divise ses détracteurs et ses partisans. Force est de constater sur ce sujet que la question mérite d’être débattue tant le nombre de médecins mis en accusation ou de familles s’expatriant à l’étranger n’a cessé d’augmenter. Pourquoi aujourd’hui ne pas accorder ce droit aux individus qui le souhaitent ? Tout simplement parce que la question demeure : quand peut-on le permettre ? Nous pourrions en effet, si le droit de mourir était accordé, en arriver à certaines extrémités. Car si l’euthanasie peut se justifier pour des personnes en phase terminale d’un cancer et souffrant atrocement, peut-elle l’être pour des personnes qui, suite à un accident, ont subi un lourd handicap ? Pas sûr. Sinon, toute personne devenue aveugle, ayant perdu l’usage d’un membre ou ayant une maladie dégénérative pourrait demander à vouloir mourir. Certains me répondront que le suicide ne demande pas de consentement mais franchement la société n’a-t-elle pas comme devoir aussi d’aider et d’intégrer toute personne dont la vie n’est pas en danger à court terme. D’ailleurs la société n’a-t-elle pas aussi le devoir, argument a contrario, de ne pas abandonner les familles devant des cas de conscience souvent cruels.

Second sujet : le cannabis. Sur ce point également, l’interdiction, en France, de tout usage du produit semble immuable. Force est de constater que les arguments des défenseurs de la dépénalisation tiennent la route. Pourquoi ne pas vendre du cannabis, drogue considérée comme douce par les professionnels, alors que l’Etat organise la vente du tabac ou de l’alcool (drogue dure par excellence). Pourquoi ne pas lâcher du lest alors que, de toute façon, tout adolescent sera forcément en contact avec lecannabis à un moment de sa vie et qu’il est aussi facile de s’en procurer aujourd’hui que d’acheter un paquet de cigarettes quand on est mineur (la vente par les buralistes de longues feuilles ou de « cartons » destinés officieusement à rouler des joints en atteste) ? Parce que tout simplement, répondront les opposants (et à juste titre), banaliser l’usage du cannabis serait nier le fait qu’user du joint peut conduire à passer aux drogues dures (il est tout de même rare de se piquer à l’héroïne sans être d’abord passé par la case « pétard »). Ce serait aussi nier la dangerosité d’un produit qui n’est pas connu pour être souvent compatible avec la réussite scolaire ou professionnelle.

Troisième approche : les punitions corporelles des enfants. Récemment, une campagne de publicité vient d’être engagée afin de militer pour l’interdiction totale de la gifle ou de la fessée, interdiction déjà légalisée dans certains pays. Très sincèrement, si personne ne nie le fait que battre son enfant est légalement condamnable, doit-on empêcher les parents d’éduquer leurs enfants via une petite fessée de temps en temps. Les exemples d’enfants ayant parfois été fessés mais n’ayant pas fini leur carrière de parent en bourreau d’enfants sont assez nombreux pour ne pas être anodins. Ne risque-t-on pas de donner ainsi une nouvelle arme aux enfants déjà rois dans de nombreuses familles ou à l’école ?

Quatrième exemple : la pratique religieuse. Le choix de ce terme n’est pas anodin car il ne vise pas à cibler uniquement la question de la burqa, hautement polémique aujourd’hui et qui a fait l’objet d’uneloi jugée inapplicable par de nombreux observateurs. Les plus intégristes de la laïcité s’insurgent aujourd’hui contre toute sorte d’affichage public religieux. Ceux-là même qui, trop souvent, ne se plaignent pas de voir des religieuses en habit ou des prêtres en soutane déambuler dans les rues (l’exemple des fêtes de Pâques l’a démontré). A l’inverse, d’autres arguent de leur droit à la liberté religieuse en niant parfois le principe essentiel de nos sociétés : « la liberté des uns s’arrête où commence celle des autres ».

Dernière thématique : la prostitution. Nicolas Sarkozy en avait fait l’un de ses chevaux de bataille. Il fallait cesser de choquer les bonnes familles avec ces filles de petite vertu arpentant les trottoirs des rues.Avec un résultat accablant. Non seulement, la précarité des travailleuses du sexe n’a jamais été aussi forte mais, de surcroît, elles n’ont pas disparu pour autant.

Et si finalement la solution n’était pas la prohibition dont on sait qu’elle est aussi vaine qu’inutile, voir contre-productive ou dangereuse comme l’a démontré l’interdiction aux Etats-Unis de la vente d’alcool au siècle dernier. Pas plus que la loi Hadopi n’a stoppé le téléchargement illégal sur internet, la loi sur la burqa ne fera pas cesser une certaine pratique de l’islam. Pas plus que l’augmentation prohibitive du prix des cigarettes n’a réduit la consommation de cigarettes (au regard de la contrebande et des achats à l’étranger), une loi pour criminaliser les clients ne supprimera le plus vieux métier du monde. L’interdiction ne résout jamais les problèmes, elle ne fait souvent que les dissimuler. Y-a-t-il moins de souteneurs et de prostituées ? Non, les voilà toujours plus nombreuses sur le net. Y-a-t-il moins de dealers et de consommateurs ? Non, ils commercent au bas des immeubles. Y-a-t-il moins de femmes prisonnières de leur mari ? Non. Elles seront simplement cloîtrées. L’euthanasie est-elle marginale. Non, cette pratique ne cesse de croître dans l’indifférence de nos politiques. L’interdiction des gifles empêchera-t-elle que des enfants soient maltraités par leurs parents ? Franchement qui peut y croire ?


Faut-il pour cela prôner la liberté absolue ? Souvenez-vous de la formule si chère aux soixante-huitards : « il est interdit d’interdire ». Bien sûr que non, tant toute société a besoin d’un cadre de valeurs et de règles pour vivre ensemble. Comme toujours, c’est dans la mesure et l’équilibre qu’il faut chercher à résoudre les oppositions.

Pourquoi ne pas autoriser l’euthanasie sous certaines conditions à remplir : la volonté du patient (via pourquoi pas une carte comme il existe des cartes de donneur d’organe afin que ce ne soit pas les pressions extérieures qui dictent sa conduite) conjuguée à l’assentiment du corps médical via une commission spécifique d’experts.

Pourquoi l’Etat n’organise-t-il pas la vente de cannabis via des échoppes spécialisées et contrôlées. Sans pour autant bien sûr créer des coffee-shop tels qu’on les voit aux Pays-Bas et où l’on s’adonne à la drogue, l’été, en terrasse. Ceci aurait pour effet d’occasionner des rentrées d’argent pour l’Etat, de mettre à mal les trafics et permettrait de se concentrer sur de vrais enjeux : la sensibilisation plutôt que la diabolisation (fumer des pétards reste une pratique dangereuse) et la lutte contre les drogues dures. Pour preuve, les Pays-Bas sont le pays d’Europe où les fumeurs de joint seraient proportionnellement les moins nombreux.

Pourquoi ne pas laisser les parents seuls maîtres de l’éducation de leurs enfants tout en veillant bien sûr à ce qu’il n’y ait pas de débordement. Car, soyons clairs, la perte d’autorité des parents est la première cause aujourd’hui de la délinquance. Un exemple : aujourd’hui les enfants ont pris conscience que leurs professeurs et éducateurs n’avaient aucun moyen de les garder dans le droit chemin et nous en voyons le résultat au quotidien : des enseignants déboussolés et des enfants toujours plus indisciplinés dans les classes.

Pourquoi ne pas cesser de parler de l’islam extrémiste et aider au contraire les musulmans à pouvoir, comme la loi de 1905 le leur permet, exercer leur religion avec quiétude (des lieux de prière adaptés à leur proposer d’urgence) ? A force de stigmatiser tel ou tel comportement, nous ne faisons finalement que figer les positions et encourager les partisans du prosélytisme à être toujours plus agressifs afin de gagner en médiatisation. Et que l’on ne nous dise pas que l’islam et le catholicisme ne seraient pas à mettre, sur ce point, sur un pied d’égalité. J’entends ici ou là des gens déclarer qu’il s’agit d’une question culturelle. Aurait-on oublié que la chrétienté est rentrée dans notre culture française avec le temps et qu’elle ne lui est pas innée. Aurait-on oublié aussi que l’interdiction des pratiques religieuses n’a jamais eu les effets escomptés comme en témoignent les ex-pays du bloc soviétique ?

Pourquoi enfin ne pas dépénaliser la prostitution. Pas pour promouvoir des bordels en cœur des villes mais pour permettre à celles qui le souhaitent de vivre d’une activité qu’elles auraient choisies. Récemment,Claude Guéant déclarait vouloir lutter contre la prostitution via le web. Il s’agit là d’un combat perdu d’avance. Concentrons-nous plutôt sur ces filles mises en esclavage par des réseaux mafieux. Ah bien sûr, ce sera plus difficile que d’arrêter une prostituée ou un client et moins médiatique mais ce sera à terme plus efficace.

Malheureusement, la politique du juste milieu risque de ne pas rallier grand monde. Les partisans trouveront toujours qu’on ne va pas assez loin, les opposants qu’on est trop libéral. Mais le but de toute société n’est-elle pas de concilier des intérêts contraires pour atteindre l’intérêt général quitte à déplaire à tous. Nos politiques le savent pertinemment mais, électoralement parlant, ce n’est pas forcément vendeur. Cherchez l’erreur.

Rédigé par Fred H.

[Source:AgoraVox]

Cannabis en vitrine


Robert Smulders, dit Tito, affiche sans complexe son combat pour la dépénalisation. PHOTO V.D.

La marche pour la dépénalisation du cannabis aura-t-elle lieu le 7 mai ? Cette initiative d'un étudiant hollandais en résidence à Cognac, Robert Smulders, surprend dans une ville de moins de 20 000 habitants. Elle entre dans le cadre d'une opération mondiale annuelle, le premier samedi du mois de mai. En France, le collectif d'information et de recherche cannabique (Circ) organise habituellement des manifestations à Paris et Lyon. Même dans ces grandes villes, ils ne sont que quelques centaines à oser montrer leur bobine, une goutte d'eau par rapport aux très nombreux consommateurs répartis dans toutes les couches de la société.

« Cette année, cela a pris un peu plus d'ampleur. Il y a des livres qui sont parus. Et on essaie de relancer le débat pour qu'il se pose pendant les élections présidentielles », relève Jean-Pierre Galland, président du Circ Paris-Île de France. Le site de l'association,www.circ-asso.net, invite sans ambiguïté le public à relayer cette action dans leurs villes. Une petite dizaine de cités seraient concernées, essentiellement des métropoles, sauf Aurillac, et, donc, Cognac.

Des demandes déposées

Pour celle-ci, Jean-Pierre Galland a appris l'information par un coup de téléphone de la police ! Adhérent, Robert Smulders a repris dans un tract l'argumentation du Circ, et indiqué son site Internet ainsi qu'un numéro de téléphone, qui se trouve être celui du président… « Si c'est une initiative sérieuse, je la soutiens. Cela reste sa responsabilité personnelle, mais si jamais il avait des ennuis, on pourrait l'aider », indique Jean-Pierre Galland.

De son côté, la police est circonspecte. « Je n'ai pas encore de consignes, on essaie de gratter. Potentiellement, l'incitation à la consommation est un délit », souligne le commandant Frédéric de Vargas.

« Je n'incite pas à fumer. Je le fais plus pour une question de santé des consommateurs. Quand les produits passent par des dealers, ils peuvent être mauvais. On n'aurait pas ce problème s'il y avait le droit de planter chez soi. Aux Pays-Bas, on a le droit de cultiver cinq pieds, à condition de ne pas mettre d'engrais et de lumière, pour que ce ne soit pas trop fort », argumente Robert Smulders.

Hier, il a déposé une demande d'autorisation auprès de la mairie et de la sous-préfecture. Le slogan « Legalize the ganja » qui figure en haut de son tract est là pour attirer l'attention des jeunes. « Il faut les réveiller un peu. Tout le monde se plaint, mais personne ne fait rien. Je ferai un discours au début du rassemblement. J'y parle deux fois de cannabis, mais aussi d'écologie et de politique. »

Un certain nombre de personnes semblent intéressées. Seront-ils place François-Ier le 7 mai à 14 heures ? La marche doit ensuite traverser l'artère piétonne et le vieux Cognac pour rejoindre l'écluse près de la Maison Blanche, où aurait lieu un pique-nique, dans un état d'esprit revendiqué comme « pacifique ».

[Source:SudOuest]

Pays-Bas: merci de remettre vos pieds de cannabis à la police

Un parfait exemple du pragmatisme néerlandais. Dans un jugement rendu ce mardi, la Cour suprême a statué que les Nerlandais pouvaient bien posséder jusqu’à cinq plants de marijuana sans risquer de passer au tribunal, et ce quelles que soient les quantités que ces pieds produisent. Les cultivateurs devront toutefois remettre leur récolte à la police si cette dernière se présente à leur domicile. Mais dans ce cas, elle ne pourra pas les arrêter. On imagine un policier français toquer poliment à votre porte: « Bonjour, excusez-nous de vous déranger, on vient juste chercher vos pieds d’herbe, ne vous dérangez pas pour nous, on va les récolter nous-même »…

La Cour était saisie de deux cas dans lesquels, en 2006 et 2008, deux propriétaires de 5 pieds chacun avaient reçu une amende car, défendait l’accusation, les quantités produites par ces pieds excédaient les 5 grammes de marijuana que les Néerlandais sont autorisés à posséder pour leur usage personnel en vertu d’une directive du procureur général. En l’occurrence, la production était de 2,2 kilos dans un cas, 6,7 dans le second. L’accusation défendait en outre l’idée que cette production n’était pas destinée à une consommation personnelle. La Cour lui a donné tort, suivant en cela l‘arrêt de la cour d’appel de Den Bosch de décembre 2009 et estimant que les quantités produites ne devaient pas entrer en ligne de compte: seul le nombre de pieds importe.

Dès 2007, le porte-parole de la police se plaignait que la tolérance de fait pour les petits cultivateurs nourrissait le trafic, chaque propriétaire pouvant gagner jusqu’à 4000 euros par an avec cinq pieds. A l’époque, les forces de l’ordre affirmaient démanteler 8000 plantations illégales chaque année. Ce que l’on appelle aux Pays-Bas le « back door problem »: les coffee shops sont autorisés à vendre à leurs clients, mais pas à s’approvisionner. Un pas que le gouvernement néerlandais n’a jamais osé franchir par peur de sortir du cadre prohibitionniste imposé par les conventions de l’ONU. D’où cette tolérance pour les petits cultivateurs.

Une décision très attendue qui intervient alors que le débat sur l’interdiction des coffee shops aux étrangers fait rage dans le pays. Et une preuve de plus que le modèle néerlandais a encore de beaux jours devant lui. Après un avis favorable de la Cour européenne de justice en décembre, le Conseil d’Etat néerlandais devrait rendre, avant l’été, sa décision sur l’introduction d’un « Pass cannabis » réservé aux seuls résidents. Une mesure réclamée par les voisins des Pays-Bas et par de nombreux résidents des villes frontières néerlandaises. Mais une décision qui porterait un coup dur à une industrie qui est aujourd’hui plus importante que celle de la tulipe.

Arnaud Aubron

[Source:LesInrocks]

Histoire : Le cannabis dans L'histoire

Vingt-sept siècles avant J.-C., les Chinois cultivaient le chanvre pour sa fibre et ses propriétés médicinales. Troismille sept cents ans plus tard, (soit vers l’an mil de notre ère), les chinois appellent le chanvre ta-ma ou "grand chanvre" pour le distinguer des autres plantes à fibre, groupées sous le terme générique de ma. Le pictogramme du véritable chanvre est un homme de grande taille, ce qui souligne la forte relation entre le cannabis et l’homme.

Au cours des invasions de l’Europe par les tribus aryennes (entre 2300 et 1000 ans avant J.-C), ces nomades introduisirent le cannabis et ses différents usages partout où ils passèrent. A ces époques, on en faisait usage dans l’alimentation, les textiles et les huiles. De plus, la drogue qu’on en tirait constituait un lien rituel avec les dieux.

Les scythes, et par la suite, de par cet exemple, les Thraces et d’autres peuplades, vers le 6ème siècle avant J.-C., l’utilisèrent aussi en inhalation lors de leurs rîtes funéraires. Pendant des siècles, l’ "herbe sacrée" était réservée aux prêtres et aux chamans, les autres utilisateurs des propriétés exceptionnelles du cannabis étant alors considérés (par les prêtres évidemment) comme des sorciers ou des hors-la-loi, et étaient souvent condamnés à mort.

Le chanvre a entretenu une relation curieuse avec les systèmes juridiques des différentes civilisations. Sa culture a été tout à tour illégale ou au contraire obligatoire. Dans de nombreuses tribus africaines, la punition la plus grave pour un crime de sang, consistait à obliger le criminel à fumer sans interruption des quantités massives de dagga (cannabis) pendant des heures, enfermé dans une petite hutte sans ouverture, jusqu’à ce qu’il perde connaissance. Les Africains rapportent que le taux de récidive après ce traitement était pratiquement nul. La loi a été appliquée de manière violente en Europe et en Amérique, lorsque les bourreaux passaient au cou des criminels la trop fameuse "cravate de chanvre".

Dans nombre de religions, le cannabis a représenté des aspects fondamentaux comme dans :

Le shintoisme (au Japon) : on y utilisait le cannabis pour lier les couples mariés et chasser les mauvais esprits. Il passait pour être une source de joie et de bonheur dans le mariage.

L’hindouisme (en Inde) : le dieu Shiva passe pour avoir "ramené le cannabis de l’Himalaya pour la joie et l’illumination des hommes". Les prêtres "saddhu" parcourent l’Inde et le monde en partageant le "chillum", une pipe remplie de cannabis, auquel ils mélangent parfois d’autres substances. Dans la Bhagavad-gita, Krishna déclare : "Je suis l’herbe qui guérît" (9/16), tandis que le cinquième chant de la Bhagarat-purana décrit le haschish en termes explicitement sexuels.

Le bouddhisme (Tibet, Inde et Chine) : à partir du 5ème siècle avant J.-C., les bouddhistes ont pratiqué un usage rituel du cannabis ; les rites d’initiation et les expériences mystiques s’appuyant sur le cannabis sont monnaie courante dans beaucoup de sectes bouddhistes chinoises. D’après une ancienne tradition bouddhique, Siddharta lui-même (le futur Bouddha) n’aurait rien consommé sinon du chanvre et des graines de cannabis pendant les six années qui ont précédé son illumination et la révélation de sa mission.

Les zoroastriens ou mages (Perse, entre le 8ème et le 3ème siècle avant J.-C.) : Ils seraient à l’origine de l’histoire des Rois Mages venus célébrer la naissance du Christ, cela d’après de nombreux spécialistes du christianisme. La religion zoroastrienne se fondait (au moins superficiellement) sur la plante de chanvre prise dans son intégralité ; elle intervenait comme sacrement principal dans la classe des prêtres et constituait leur première ressource en plante médicinale, ils l’utilisaient en obstétrique, avec de l’encens pour les rituels, comme huile sainte, mais aussi comme huile à brûler dans les lampes du monde séculier. On pense que le terme "magie" vient du terme zoroastrien "magi".

Les esseniens (ancien Israël) : ils utilisaient le chanvre pour ses propriétés médicinales, tout comme les " thérapeutes " égyptiens. Certains érudits pensent que les uns comme les autres étaient, sinon des disciples, du moins des proches des prêtres/médecins zoroastriens.

Les soufis : ils sont des mystiques musulmans qui ont utilisé le cannabis et en ont venté les vertus pour ses révélations divines, sa capacité à faire fusionner le croyant avec le divin, pendant au moins mille ans. Pour beaucoup de spécialistes, le mysticisme des prêtres soufis est en réalité celui des zoroastriens qui aurait survécu aux conquêtes de l’Islam des 7ème et 8ème siècles et aux conversions (plus ou moins forcées) qui s’en sont suivies.

certains coptes chrétiens d’Egypte et d’Ethiopie : ils croient que "l’herbe verte sacrée des champs", ainsi que les "encens suaves" et les "encens et huiles sacrés" mentionnés dans la Bible ne seraient autres que le cannabis.

Les bantous : ils procédaient à un culte secret du "dagga" (cannabis), réservé aux chefs ; les Pygmées, les Zoulous et d’autres considéraient le cannabis comme une médication indispensable pour les crampes, l’épilepsie et la goutte, et en avaient fait un sacrement religieux

Les rastafarians (de la Jamaïque et d’ailleurs) : ils sont une secte religieuse contemporaine qui se sert de la "ganga" comme moyen sacré d’entrer en communion avec Dieu (Jah).

Les judaïstes : on constate que l’usage du cannabis, pourtant connu à cette époque et dans cette région, n’était ni interdit, ni même découragé dans la Bible. Certains passages y font une allusion directe à ses bienfaits et en prédisent même l’interdiction.

Les premiers chrétiens : les premières sectes chrétiennes étaient composées d’individus en général ouverts, doux, aimants, qu’elles étaient tolérantes et peu structurées. Rome considérait le christianisme simplement comme un autre culte oriental de mystères, à l’instar du culte de Mitra ou de celui d’Isis, alors les plus répandus dans l’Empire romain. Miné par des guerres ruineuses et la corruption politique, l’Empire romain était dans un état catastrophique. Dès l’an 249 de notre ère, les empereurs qui se succédèrent entreprirent de sanglantes persécutions, notamment envers les turbulents chrétiens. Cinquante ans, la méthode n’ayant pas été efficace, l’Empereur Constantin fit cesser les persécutions et se convertit lui-même au christianisme. En combinant la force de l’Etat et la force de l’Eglise, chacun était en mesure de multiplier son pouvoir et de dénoncer plus facilement les crimes (ou péchés) de ses ennemis ou rivaux politiques (ou religieux) en bénéficiant de l’appui total de l’autre. Constantin fit du christianisme la religion officielle obligatoire et monothéiste de l’Empire : l’Eglise catholique et romaine, autrement dit l’Eglise Romaine universelle. Dans la foulée, il fit mettre hors la loi toutes les sociétés secrètes qui auraient pu menacer son mandat. A compter des 4ème et 5ème siècles, les religions païennes et les autres sectes chrétiennes furent soit incorporées à l’Eglise orthodoxe, soit interdites et chassées de la doctrine officielle comme de la hiérarchie et certains sont devenus clandestins, ce qu’ils resteront pendant tout le Haut Moyen Age. Au 10ème siècle, tous les peuples d’Europe se virent forcés d’y adhérer. Les responsables politiques aidèrent l’Eglise et décrétèrent des lois assorties de châtiments extrêmes pour la moindre infraction, le moindre soupçon d’hérésie, les hérétiques étaient pourchassés par des inquisiteurs impitoyables, fanatiques et sadiques. La damnation était de plus le lot de tous les excommuniés. Avec l’interdiction à 95% de la population de l’accès à la lecture et à l’écriture (et donc encore moins au Latin, alors la langue de la Bible), les prêtres ont pu interpréter à leur manière les Ecritures, et cela pendant environ douze siècles en Europe. Tout en faisant du vin un sacrement, et en tolérant les autres produits alcoolisés comme la bière, l’Inquisition interdisait l’ingestion du cannabis en Espagne au 12ème siècle et en France au 13ème. Nombre d’autres médications naturelles furent simultanément bannies. Quiconque se servait de chanvre pour communiquer, soigner ou dans un autre but était aussitôt étiqueté comme "sorcier". Jeanne d’Arc, en 1430, fut entre autres choses accusée d’avoir utilisé des drogues à base de plantes de sorcières, y compris du cannabis, pour entendre des voix. Les gens du peuple qui osaient ne pas se soumettre à ces lois pouvaient, dans certains cas, être puni de mort.

Sécurité et cannabis : Manuel Valls ne va pas au bout de son raisonnement


Dans son dernier ouvrage, Manuel Valls affirme, à raison, que la gauche, pour revenir au pouvoir, doit proposer un programme clair en matière de sécurité. Elle aurait en effet tort de ne pas le faire, tant l'échec de la politique du chiffre imposée par Nicolas Sarkozy est flagrant : les violences sont en hausse constante, les policiers et les gendarmes sont de plus en plus fréquemment agressés et 11 000 postes ont été supprimés depuis l'arrivée de l'ancien ministre de l'intérieur à l'Elysée…

Si plusieurs des analyses et des propositions du député-maire d'Evry sont intéressantes, on ne peut que regretter qu'il laisse entendre qu'il rejette toute réforme de la législation en vigueur, car "toute substance qui contribue à l'aliénation des hommes est pour [lui] hérésie". Certes, et c'est pour cela que la lutte contre la surconsommation de produits légaux comme les médicaments psychoactifs ou l'alcool pourrait être améliorée. A contrario, une réforme législative n'empêchera en rien une lutte renouvelée contre l'usage abusif du cannabis au volant, à la manière de ce qui est fait aujourd'hui pour l'alcool.

Il n'a jamais été aussi nécessaire de changer notre politique de lutte contre le cannabis. Celle-ci s'avère non seulement inefficace, mais surtout contre-productive. Nombre d'études le démontrent, la répression, c'est-à-dire le nombre croissant d'interpellations de consommateurs, l'arrestation et la détention des trafiquants, comme les saisies de drogues, n'ont d'effets, ni sur la consommation, ni sur les prix.

Force est de constater aujourd'hui que ce sont les petites mains du trafic, appâtées par des gains rapides, et surtout les usagers qui sont poursuivis, tandis que les grands trafiquants, eux, ne cessent de s'enrichir. Ainsi, entre 1995 et 2008, selon les chiffres du ministère de la justice, le nombre de condamnations pour usage illicite de stupéfiants est passé de 5 000 à plus de 19 000 ! Tandis que le nombre de condamnations pour trafic décroissait dans la même période de 2 500 à moins de 2 200 ! Comme le dénonce Manuel Valls, "s'attaquer en profondeur à l'enchevêtrement des réseaux de la drogue réclame énormément de moyens humains et financiers. Mais pour la statistique policière, cela n'est pas rentable".

Cette aberrante politique du chiffre est désormais condamnée unanimement, y compris au sein même du syndicat de policiers le plus proche de l'Elysée. Eric Mildenberg, secrétaire national d'Alliance n'écrivait en effet rien d'autre au mois de mars dans le mensuel de son organisation : "il est plus avantageux, au nom de cette culture du chiffre, d'appréhender dix fumeurs de cannabis (…), plutôt que de prendre le temps nécessaire à neutraliser la délinquance organisée."

Mais si le développement du député-maire d'Evry est bon, il se trompe quand il accuse "la politique sous-dimensionnée de Nicolas Sarkozy" en matière de drogues de passer "totalement à côté du sujet". Car selon le document de politique transversale du projet de loi de finances 2011 sur les drogues, 30 % des moyens de la direction centrale de la police judiciaire (hors dépenses de personnel et surtout hors brigade des stupéfiants) sont consacrés aux infractions à la législation sur les stupéfiants ! La politique actuelle n'est donc pas "sous-dimensionnée", mais mal orientée, au sens premier du terme, et c'est pour cela que Nicolas Sarkozy passe "totalement à côté du sujet". Il est donc grand temps de redéployer les moyens des forces de l'ordre, de mettre le paquet sur les bandes violentes, sur les trafiquants d'armes, sur les réseaux de trafic d'êtres humains et sur le blanchiment d'argent…

Certains conservateurs sortent les grands moyens lorsqu'on leur parle de revoir notre stratégie dans la lutte contre la drogue. Ils évoquent les liens – biens réels – des trafiquants avec les mafias, avec le terrorisme international, avec le grand banditisme. Mais la stratégie extrêmement répressive menée actuellement n'est pas efficace non plus dans la lutte contre la grande criminalité. Elles est même contre-productive, puisque la répression contre les consommateurs ne fait que renforcer l'organisation criminalisée et militarisée du trafic et rend l'enrichissement des réseaux plus facile.

Ainsi, entre 2005 et 2008, les condamnations pour recel et blanchiment ont chuté de 22,7 % ! Autre exemple, symbolique s'il en est : sur les 63 422 infractions constatées au droit de l'environnement en 2009, le taux de classement sans suite est de 90 %. Pour les infractions sur les stupéfiants, en grande majorité des usagers de cannabis, des poursuites pénales sont engagées dans plus de 90 % des cas ! Quelqu'un qui déverse des produits chimiques dans un cours d'eau est-il vraiment moins nuisible à l'intérêt général qu'un jeune qui fume du cannabis en sortant d'un concert ?

En 2012, finissons-en avec cette "guerre contre le cannabis" dont les principales victimes sont les consommateurs et leurs familles, et les principaux bénéficiaires, les parrains des cartels et autres chefs de gang. Si nous voulons vraiment lutter contre "l'aliénation", élargissons la palette de prise en charge thérapeutique et sociale, et construisons une véritable politique de réduction des risques liés aux usages. Si nous souhaitons vraiment apporter à nos concitoyens plus de sécurité, réformons le statut pénal des usagers.

[Source:LeMonde]

Le PS réfléchit à une dépénalisation du cannabis

Face à la hausse du trafic de drogue constatée ces dernières années, faut-il légaliser le cannabis ? Cette question, qui était jusqu’à présent tabou dans la classe politique, ne l’est plus au Parti Socialiste. Un groupe de 10 députés planche sur le sujet. Il devrait rendre ses conclusions fin mai. Et ce groupe pourrait se déclarer favorable à la dépénalisation.

Lettre datée du 30 décembre 2010, entre le Préfet de Seine-Saint-Denis et le maire de Sevran. Le Préfet y indique notamment qu'un seul des points de trafic de la ville rapporterait 30 000 euros par jour.

Fumer un joint est aujourd’hui un délit passible d’un an d’emprisonnement. La répression existe : 120 000 usagers de cannabis sont interpellés chaque année.Toute une gamme de sanction est appliquée, mais les peines de prison ferme sont rares, 2000 à 3000 seulement.

Les partisans d’une dépénalisation de l’usage de cannabis (le trafic continuerait d’être sévèrement poursuivi) avance un argument choc : c’est la prohibition qui génère le trafic. Un trafic colossal qui mine littéralement des quartiers entiers de villes de banlieues.
Stéphane Gatignon est le maire de Sevran en Seine Saint Denis. Il dénonce l’existence d’une incroyable économie parallèle : "100 000 petits dealers gagnent de 800 à 1400 euros par mois grâce au trafic de cannabis".

Les gains du trafic de drogue sont estimés en France à deux milliards. Rien qu’à Sevran, le deal opère dans une douzaine de halls d’immeubles, des "pas de porte qui peuvent s’avérer fort rentables, ils dégagent un chiffre d’affaire de 30 000 euros pas jour". Pour lutter contre ce fléau, Stéphane Gatignon souhaite donc que l’usage de cannabis soit dépénalisé et que la production, l’importation et la vente soient contrôlées par l’Etat.

La dépénalisaton du cannabis fait débat au PS, un groupe de travail planche sur la question. Stéphane Gatignon est le maire de Sevran en Seine Saint Denis. (5'25")

Daniel Vaillant partage le même avis. L’ancien ministre de l’Intérieur et député du 18ème arrondissement de Paris dirige un groupe de travail d’une dizaine de députés socialistes. Il veut faire évoluer les esprits au sein du PS. Il établit un parallèle entre cannabis et alcool.

Daniel Vaillant, ancien ministre de l’Intérieur et député du 18ème arrondissement de Paris. (2'50")

Cependant, cette position est loin d’être partagée par tous les socialistes. Il y a d’abord ceux qui sont d’accord pour évoluer, mais pas pour aller aussi loin. Ainsi Jean Jacques Urvoas, un député breton, le "monsieur sécurité" du PS. Il est contre la dépénalisation, mais il préconise que l’usage de cannabis ne soit plus passible d’une peine de prison, mais seulement d’une contravention.

Jean Jacques Urvoas, un député breton, le monsieur sécurité du PS. Il est pour une contravention à la place de la peine de prison. (0'33")

Cette idée d’une contravention est aujourd’hui discutée, voire approuvée par certains syndicats de policiers. Mais au PS il y aussi ceux, nombreux, qui ne veulent entendre parler ni de contravention, ni de dépénalisation. Comme le maire d’Évry Manuel Valls.

Manuels Valls, le maire d’Évry. Il ne veut pas entendre parler de dépénalisation. (0'32")

En tous cas, le débat est ouvert, et il devrait en être question lors des primaires socialistes.Matthieu Aron

[Source:France-Info]