Histoire des applications médicales du cannabis Vol.1 (Asie)

Depuis très longtemps, l’homme utilise le chanvre (nom latin:Cannabis Sativa L.) pour ses fibres et ses graines (chènevis).Ces dernières entrent dans la préparation d’aliments à grande valeur nutritive. On suppose aujourd’hui ,la culture du chanvre remonte à plusieurs milliers d’années en Chine. Avant notre ère,l’Asie Mineure constitue le point de départ de la diffusion du cannabis vers les continents africain et européen, puis, aux XVIe et XVIIe siècles, vers l’Amérique.

En Chine, les premiers papiers (une invention longtemps gardéesecrète) furent fabriqués avec du chanvre, plusieurs centaines d’années av. J.-C. Mais ce n’est qu’au IXe siècle que les Arabes l’introduisirent en Occident, où il remplaça le papyrus et les tablettes d’argile.

La première Bible de Gutenberg, comme tous les autres livres de l’époque, fut imprimée sur du papier à based’un mélange de chanvre et de lin. Depuis longtemps, les fibresde chanvre, réputées pour leurs multiples possibilités d’emploi, servent à confectionner des vêtements, des tissus et des cordes.Les Phéniciens, qui sillonnèrent la Méditerranée il y a 3000 ans,ainsi que les Égyptiens aux temps des Pharaons, utilisaient cematériau très résistant pour confectionner leurs voiles debateaux et leurs filets de pêche.Les propriétés psychotropes du cannabis étaient également connues avant l’ère chrétienne et déjà utilisées lors de rites et de cérémonies de guérison. Le chanvre est qualifié de plante sacréedans les Véda (Inde, 1500 – 1300 av. J.-C.) et dans le Chu-tzu (Chine, env. 300 av.J.-C.).

Quant aux nombreuses propriétés thérapeutiques, aujourd’hui redécouvertes, elles étaient surtout connues en Asie centrale, d’où nous ont été transmises les traditionnelles applications pour traiter certaines maladies neurologiques.Aujourd’hui encore, nous pouvons apprendre de ces expé-riences vieilles de plusieurs centaines, voire milliers d’années.

Chine :

La première mention d’une application médicale du cannabis se trouve dans un traité de pharmacologie de la médecine traditionnelle chinoise, le Shen Nung Ben Ts’ao.

D’après la légende, l’ouvrage fut écrit en quelques jours seulement, en 2737 av. J.-C., par le légendaire père de la médecine chinoise, l’empereur Shen Nung. Une transcription sauvegardée jusqu’à cet ouvrage, est datée d’un siècle après. J. -C.Dans le Shen Nung Ben Ts’ao, sont décrites les applications de300 plantes, dont le cannabis (nom chinois :Ma). Le terme Ma n’est pas sans connotation péjorative, ce qui laisse à penser que les effets secondaires psychotropes étaient connus et souvent qualifiés d’effets indésirables. Le cannabis fut utilisé pour traiter les douleurs d’origine rhumatismale, la goutte, les « absences mentales », les maladies de la femme, le paludismeet le béribéri. Puisque le paludisme est souvent accompagné decéphalées et que le béribéri, causé par une carence en vitamine B1, s’associe à des troubles neurologiques, il est possible que le cannabis fût utile pour lutter contre ces maladies. Quant aux maladies de la femme, il s’agit vraisemblablement des règlesdouloureuses.

Lors d’opérations chirurgicales, le célèbre chinois Hua T’o (env. 140-200 ans après. J.-C.) se servait du cannabis comme anesthésiant. Nul doute que les quantités de Ma-yo , un mélangede résine de cannabis et de vin, devaient être particulièrement importantes afin d’entraîner un état d’inconscience suffisant pour empêcher la souffrance du patient. Le Ben Ts’ao Kang Mu, écrit par
Li Shih-Chen du temps de la dynastie Ming, est un ouvrage médical en 50 volumes d’une exhaustivité remarquable. Pendant plusieurs siècles, il fit référence dans lamédecine chinoise. Dans cet ouvrage, le chanvre est recom-mandé pour traiter les douleurs, les règles douloureuses,
l’hémorragie après l’accouchement, le diabète, les rhumatismes,les diarrhées, la présence de vers intestinaux et la fièvre. Et pource qui est de l’effet antiémétique du cannabis, redécouvert denos jours, il était également déjà connu en Chine et en Inde.

C’est au XIVe siècle de notre ère qu’apparurent pour la première fois en Chine des indications relatives à l’emploi médical des graines de chanvre, ou chènevis. Une consom-mation régulière de chènevis assurait la longévité et uneconstitution saine. Ces graines furent utilisées lors de règles douloureuses, de constipation, d’atonie intestinale, de nausées, d’intoxications ou de diarrhée.

L’application externe d’huile de chènevis ou d’extraits obtenus par pression des feuilles, pour traiter les maladies de la peau, les abcès, la lèpreou encore les plaies était également très répandue.

Raphael Mechoulam, professeur à l’université hébraïque de Jérusalem, estime que la transmission des applications traditionnelles du cannabis comme remède contre la lèpre et comme vermifuge, mériterait des recherches scientifiques supplémentaires. En effet, du suc de cannabis, combiné avec de l’huile de chaulmoogra ( Taraktogenos kurzii, que l’on ne trouve qu’en Asie), fut utilisée pour traiter la lèpre.

Les principes actifs – dont les acides gras – des deux plantes présentent quelques similitudes chimiques intéressantes. De plus, dans de nom-breuses civilisations, l’utilisation de cannabis fut décrite commevermifuge, et il est intéressant de constater aujourd’hui que la structure chimique des cannabinoïdes ressemble étrangement à celle de l’hexylrésorcine, un composé moderne de lutte contre les parasites.


Inde :

Dans le quatrième livre des Véda, l’Atharvaveda , écrit entre1500 et 1200 av. J.-C., le cannabis est décrit comme une plantemagique et guérisseuse. Les Véda sont l’ensemble des textes religieux des traditions hindoues et védiques. L’ Atharvaveda contient des formules magiques destinées notamment à laguérison des maladies. Il y est également question de bhang
,susceptible de calmer la peur et de chasser les mauvais esprits.

Bhang est le nom donné aux feuilles de cannabis séchées(plantes mâles et femelles) ou encore à une boisson à base defeuilles. Le Bhang était présenté en offrande aux Dieux et en particulier à Baldev, l’aîné des frères du Dieu Krishna.

En dehors du cannabis, le bhang contient du sucre ainsi quedifférentes épices (poivre, cardamome, cannelle, etc.), parfoisdu lait ou du jus de fruits. Aujourd’hui, outre le
bhang, on consomme en Inde également la ganja (fleurs et feuilles supérieures de la plante femelle) et le charas (préparation cannabique la plus puissante, caractériséepar une concentration élevée en cannabinoïdes).Les préparations à base de cannabis sont aussi mentionnées dans le grand traité de médecine Súsruta-Samhitã, probablement rédigé au cours des derniers siècles avant notre ère et qui prit sa forme actuelle au VIIe siècle.

D’après cet ouvrage, le cannabis fut utilisé comme remède contre le flegme, la gastro-entérite accompagnée de diarrhées et la fièvre provoquée par des troubles de la vésicule biliaire. À l’époque, le flegme avait une signification beaucoup plus large qu’aujourd’hui où ilcaractérise essentiellement l’attitude d’une personne qui garde son sang-froid: il faisait partie, entre autres, de l’un des trois éléments principaux du corps.

La médecine traditionnelle hindoue, l’enseignement ayurvédique, n’a guère évolué au cours de notre époque et elleconstitue aujourd’hui encore le principal système de soins en Inde. Dans différents ouvrages de cette médecine, la ganja et le bhang sont décrits comme étant des moyens efficaces pour stimuler l’appétit et pour traiter la lèpre. De plus, les préparations à base de cannabis améliorent la qualité dusommeil, permettent de retrouver la bonne humeur, renforcent
l’énergie vitale et possèdent des propriétés aphrodisiaques.Dans la médecine ayurvédique indienne, le cannabis fait partiedes plantes médicinales les plus utilisées.Les effets positifs du cannabis sur le système nerveux sontconnus en Inde depuis de nombreux siècles. Ainsi, on administrait du cannabis en cas d’épilepsie, de céphalées,d’hystérie, de névralgies, de douleurs de l’ischion et de contractions tétaniques.

Son application était particulièrement répandue pour traiter les douleurs et les états fiévreux. Il était consommé soit par voie orale soit en application cutanée locale.Des cataplasmes étaient posés sur les zones inflammées etdouloureuses. Dans les dents cariées, on introduisait du
charas afin de diminuer l’intensité de la douleur. On administrait le cannabis par voie orale non seulement pour atténuer les douleurs des règles et des contractions lors de l’accouchement,
mais également pour effectuer de petites interventionschirurgicales. Les maladies respiratoires (le rhume des foins, la bronchite, l’asthme et la toux) étaient aussi traitées avec des préparations à base de cannabis.

C’est dans la pharmacopée indienne Rajnijunta , qui date probablement du XIIIe siècle de notre ère, que fut décrite pour la première fois l’utilisation du cannabis en tant que substance psychotrope.


0 commentaires:

Enregistrer un commentaire