Commerce des drogues douces en Europe: à qui le tour?

Par : JOLPRESSE

L’interdiction de fumer pour les étrangers aux Pays-Bas suscite de vives contestations. Les fumeurs ne comprennent pas la discrimination à leur égard alors que les pays frontaliers s’inquiètent d’un nouveau trafic illégal. L'Espagne et le Portugal pourraient devenir une porte de sortie.

Les fumeurs étrangers ne sont plus le bienvenue aux Pays-Bas / Flickr Arman_Zhenikeyev
Les tulipes sont toujours en fleur et le vent continue de souffler dans les ailes des moulins, cependant, une autre attraction typique des Pays-Bas semble être menacé. Depuis le 1er mai, la plupart des célèbres « coffee shops », les cafés proposant à leur clientèle l’opportunité de fumer du cannabis, ne sont plus autorisés à vendre de l’herbe aux touristes. Pour l’instant, l’interdiction s’applique uniquement dans les provinces situées tout le long de la frontière sud des Pays-Bas, prisées des touristes en provenance de Belgique, de France et d’Allemagne. Cette mesure devrait toutefois être étendue à la capitale Amsterdam et à l’ensemble du pays dès le début de l’année prochaine.

Une tradition ancienne

Fumer un « joint » dans un café a longtemps constitué une sorte de rite de passage pour les jeunes voyageurs venus d’Europe. Nombres d’entre eux n’accueillent pas la nouvelle avec enthousiasme. D’autres, plus pragmatiques, commencent déjà à chercher un nouveau refuge européen pour s’adonner aux drogues douces.
« Cela crée une vraie opportunité pour des villes comme Brighton et Hove [au sud de l’Angleterre, ndlr]. Devenir une destination « libérale » pour remplacer Amsterdam pourrait booster le nombre de touristes » déclare dans son blog Ben Duncan, un conseiller municipal du sud de la côte anglaise. « Pensez aux millions de livres que pourrait gagner nos magasins et hôtels si tous ces touristes refoulés d’Amsterdam par les Conservateurs néerlandais décidaient de dépenser leur argent chez nous » ajoute le politicien du Parti Vert.

Afin de pouvoir fumer, les néerlandais devront posseder un laissez passer attestant qu'ils vivent aux Pays-Bas / Flickr abariltur

Le cannabis pour lutter contre la crise 

Pour le moment, la Grande Bretagne possède les lois les plus sévères d’Europe à l’égard des fumeurs de cannabis. Une simple possession pouvant aller jusqu'à cinq ans de prison, bien que dans la pratique, seuls les récidivistes s’exposent à des poursuites.
L’Espagne et le Portugal sont des candidats bien plus susceptibles d’attirer les amateurs d’« herbes ». Les deux pays ont en effet une approche libérale, car ils considèrent la possession de cannabis comme un délit mineur (voire toléré).
L'étonnant village de Rasquera
Un village espagnol voit même dans le cannabis une manière de combattre la crise économiqueRasquera, petite bourgade située dans le Nord-Est de la Catalogne, a abondé, par referendum le mois dernier, dans ce sens. Le village a ainsi alloué 17 hectares de terres publiques à l’Association Barcelonaise d’Usage Personnel de Cannabis. Ils espèrent ainsi que les récoltes soient lucratives, qu’elles permettent de rembourser la dette et créer des emplois. « Je n’ai aucun problème à ce que ma terre soit utilisée par le Conseil », affirme Eusebio Gil au quotidien El Mundo. « Jusqu'à ce que quelqu’un règle nos problèmes autrement, c’est un projet tout à fait légal. Nous sommes complètement engagé à ce sujet, et surtout en colère contre l’absence de tout futur dans ce village. »
Les autorités espagnoles étudient la légalité du projet de Rasquera. Cependant, en dépit de leurs approches laxistes concernant le cannabis, l’Espagne et le Portugal ne disposent pas de point de vente qui correspond aux coffee shop néerlandais. Bien que la possession personnelle soit dépénalisée, les consommateurs courent toutefois le risque de voir leur herbe confisquée et d’être sanctionnée par une amende.

Le village de Rasquera espère rembourser sa dette grace aux bénéfices de la vente de cannabis / Flickr alaricwanderer

Espagne et Portugal, nouvel Eldorado des fumeurs ?

Depuis dix ans, le Portugal applique une politique de tolérance concernant les petites transactions et la consommation privée. Pourtant, « cela n’a pas contribué au développement d’un tourisme de la drogue » explique Joep Oomen de la Coalition Européenne pour une Politique de la Drogue Juste et Efficace, qui demande des règles plus souples.
« En Espagne, ils tolèrent également les clubs de consommateurs qui produisent du cannabis pour un usage privée, mais ils ne sont pas ouverts aux touristes » ajoute-t-il lors d’un entretien téléphonique.
La consommation de drogues est largement exclue des règles de l’Union Européenne. Chaque nation est libre d’adopter le modèle qui lui convient. Une situation que certains considèrent comme un paradoxe, en l'absence de contrôles aux frontières au sein de l'UE.
La France, en particulier, se plaignait depuis longtemps de l’approche libérale néerlandaise, en affirmant qu’elle incitait les jeunes qui reviennent des Pays-Bas à transporter de la drogue sur eux.
Dans les années 1990, ce sujet a provoqué de sérieux remous entre les deux pays européens. Le président, Jacques Chirac à l’époque, avait menacé d’exclure les Pays-Bas de la zone UE en raison de « ce trafic ». Un rapport parlementaire avait utilisé le terme non équivoque de « Narco État » pour désigner le pays.

L'interdiction de vente aux étranger risque de developper le commerce illégal de cannabis / Flickr PeterJaime Esteban Rios madrid

Des craintes bien réelles

Les positions conservatrices adoptées par les Pays-Bas déclenchent désormais les craintes de pays voisins. Certains pensent que la fermeture des coffee shops pourrait développer le commerce illégal de cannabis au-delà même des frontières néerlandaises. « La nouvelle politique des Pays-Bas en matière de drogue aura des effets multiplicateurs dans notre pays » a déclaré Joelle Milquet, Premier ministre belge. « Cela pourrait inclure une augmentation des plantations de cannabis en Belgique, un bouleversement de la vente illégale ou encore un nombre plus important de rabatteurs cherchant des clients potentiels le long de nos routes ». 

Le choix de la clandestinité

Elle a également annoncé le renforcement des patrouilles anti-drogue belges afin de mieux coopérer avec leurs homologues néerlandais. Le nombre de plantations de cannabis découverts par la police en Belgique a augmenté de 35 à 666 en cinq ans depuis 2008. « Cela aura un grand impact sur les pays de la frontières, en Allemagne et en Belgique » ajoute Oomen« Maintenant que les cafés sont inaccessibles, il risque d’y avoir une augmentation considérable du marché illégal, et des petits vendeurs de rue à la fois en Hollande mais aussi dans les pays frontaliers. »
Même les fumeurs de cannabis néerlandais, qui ont pourtant encore accès aux coffee-shops s’ils s’inscrivent pour un « laissez-passer », ont indiqué qu’ils passeraient dans la clandestinité. Près de 60% d’entre eux ont affirmé qu’ils refusaient de s’inscrire quelque part pour fumer, et qu’ils chercheraient d’autres sources s’il le faut, rapporte l’Institut de Criminologie de l’Université d’Amsterdam.

Global Post /Adaptation Henri Lahera / JOL Press

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