« Les socialistes ont capitulé sur le cannabis face aux dealers … »,expliquait ce lundi sur le site de l’UMP Bruno Beschizza, ci-devant secrétaire national à l’emploi des forces de sécurité. Passons sur les grosses ficelles consistant à tenter de faire passer tout partisan d’un assouplissement de la loi sur les stupéfiants pour un dealer en puissance, il est vrai que la question semble, au PS, faire son chemin comme jamais auparavant. Petit tour d’horizon à quelques heures du deuxième débat entre candidats à la primaire. Le contexte d’abord. Depuis François Mitterrand, le PS n’a jamais arrêté de position claire sur les drogues, faisant sienne la dévise du Président: « La drogue il vaut mieux ne pas en parler, car sinon il faut hurler avec les loups. »Pour que la consigne soit bien claire pour tout le monde, en 1988, le ministre de la Santé Léon Schwartzenberg fût remercié après neuf jours pour avoir osé aborder la question. Lors de la campagne présidentielle de 2002, Lionel Jospin s’était bien aventuré à déclarer que fumer un joint chez soi était moins nocif que de boire de l’alcool avant de conduire; mais le tir de barrage (et la défaite qui s’ensuivit) fût tel, qu’il calma les ardeurs de ceux qui auraient pu être tentés d’emprunter le même chemin. Pas de hurlements, donc, du côté du PS, mais une ambiguité qui, au fur et à mesure où les choses avancent à l’étranger, devient de plus en plus difficile à tenir. Pour qu’un débat réel voit le jour rue de Solférino, il fallut finalement attendre la petite bombe que l’ancien ministre de l’Intérieur Daniel Vaillant déposa sur le bureau du groupe PS à l’Assemblée le 15 juin, prônant la légalisation contrôlée du cannabis. Une première qui, juste avant l’ouverture de la campagne pour les primaires, forçait les différents candidats à se positionner. C’est François Hollande qui s’y est collé le premier, quelques jours avant la publication du rapport Vaillant. Celui qui n’était alors pas encore le grand favori des sondages esquive magistralement la question de sa position personnelle en proposant de « réunir une commission au niveau de l’Europe »… Beau bottage en touche réitéré lors du débat télévisé du 16 septembre: il faut changer la loi, maintenir l’interdit mais « envoyer en prison les gens qui fument du cannabis, personne ne peut l’imaginer », il faut « les soigner, les accompagner, les punir ». Chacun y retrouvera ses petits. C’est donc de Martine Aubry qu’est venue LA surprise. A la suite de la publication du rapport Vaillant, elle est interrogée sur la question au JT de TF1 et tranche: elle est « contre » la dépénalisation du cannabis. Mais comme seuls les imbéciles ne changent pas d’avis, elle se prononce, comme si de rien était et sans expliquer son revirement, pour la dépénalisation lors d’un débat avec les internautes sur Rue89 le 16 septembre, quelques heures avant le débat télévisé. Le soir, sur le plateau de France 2, elle précise même sa pensée: pas de prison pour les détenteurs de moins de 5 grammes de cannabis, mais tout de même des peines plus lourdes pour les trafiquants (ce qui est compliqué vu les niveaux actuels), histoire de ne pas avoir l’air laxiste non plus… Une conversion maladroite et tardive, qui illustre bien l’embarras des ténors socialistes sur le sujet, mais une première tout de même: si elle emportait la primaire, elle serait la première candidate socialiste à la présidentielle à avoir pris position pour la dépénalisation. Ségolène Royal, elle, semble faire le mouvement inverse. Lors de la campagne de 2007, la candidate avait, sans trop se mouiller, appelé à un débat sur la question: « Personne ne doute [...] du fait que renforcer les interdictions et, surtout, alourdir les peines ne permettra pas de diminuer l’accessibilité et la consommation de drogues. » Elle a, depuis, rangé son débat dans sa poche et se prononce désormais sans ambiguité contre la dépénalisation. Ce qu’elle n’a pu faire le 16 septembre faute de temps de parole suffisant. Quand aux deux « jeunes » candidats, Arnaud Montebourg et Manuel Valls, ils sont paradoxalement apparus lors du premier débat comme les plus farouches opposants à la dépénalisation, croyant peut-être, par leur intransigeance, se tailler une stature plus présidentielle. On notera cette sortie définitive de Manuel Valls: « Etre de gauche, c’est lutter contre toutes les dépendances possibles. » Avant le débat, Arnaud Montebourg avait, lui, trouvé l’occasion d’étaler sa totale ignorance du sujet, affirmant que l’alcool et le tabac étaient des « drogues douces » alors que tous les rapports médicaux sur la dangerosité des drogues classent l’alcool dans le peloton de tête avec l’héroïne. Dans une surprenante surenchère avec Daniel Vaillant, seul Jean-Michel Baylet s’est prononcé pour une légalisation contrôlée du cannabis, qui pourrait être vendu en pharmacie! Ah, on me signale dans l’oreillette que Jean-Michel Baylet n’a pas plus de chances que Daniel Vaillant de figurer au second tour de la primaire socialiste. Ceci explique peut-être cela… Arnaud Aubron Si vous n’avez pas le temps ou l’envie de lire ce long article, tout est admirablement résumé dans la belle infographie ci-dessus, réalisée par mes amis de Matière primaire. Et si vos yeux fatigués n’arrivent pas à lire cette infographie, cliquez ici pour la voir en plein écran. Source:LesInrocks
Faut-il légaliser le cannabis ? par LCP
Aubry : « Je suis pour la dépénalisation du… par rue89
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