Histoire des applications médicales du cannabis Vol.3 (Europe)

Les premières indications sur l’usage du cannabis à des finsthérapeutiques en Europe datent de plus de 1000 ans et serapportent surtout aux graines de chanvre ( chènevis ). Les herboristes du Moyen Âge faisaient la différence entre lechanvre engraissé (cultivé), utilisé par exemple contre la toux et la jaunisse, et le chanvre bâtard (naturel), appliqué empiriquement contre les nodosités et les tumeurs (indurées et autres).


L’abbesse allemande Hildegard von Bingen (1098 -1179) écrivit dans son traité sur la nature et les plantes médicinales Physica (env. 1150)

À propos du chanvre « Le chanvre est chaud. Il pousse alors que l’air n’est ni trop chaud ni trop froid et ainsi en va-t-il également de sa nature. Sa graine apporte la santé et constitue pour l’homme sain une nourriture équilibrée, facilement assimilée dans l’estomac, car elle aide à retenir le mucus hors de l’estomac et elle est digérée aisément. Elle diminue les mauvais jus et renforce les bons. Qui souffre de douleurs dans la tête ou qui a la tête qui résonne verra son état s’améliorer lorsqu’il mangera du chanvre. Pour celui qui est sain et jouit de toute sa tête, aucun désagrément n’est à craindre. À qui la tête résonne, la consommation du chanvre entraîne une douleur dans la tête. Il n’endommage
nullement une tête saine et un cerveau intègre. Un chiffon dechanvre appliqué sur les abcès ou les plaies fait du bien car la chaleur en lui est tempérée ».


Ce texte, quelque peu déconcertant, laisse entendre que le cannabis agit différemment selon l’individu qui le consomme. Il s’accorde en cela avec les recherches actuelles, selon lesquelles le cannabis peut aussi bien soulager les maux de têtes ou lesmigraines tout comme il peut, dans certains cas, les provoquer.Il est possible que l’expression «douleurs dans la tête», provoquées par le cannabis, avait un sens beaucoup plus large qu’aujourd’hui, et qu’elle englobait par exemple les effets psychiques désagréables pouvant se manifester lors de la consommation de cannabis.


Du Moyen Âge jusqu’au XVIIIe siècle, on favorisa principalement l’usage externe despréparations cannabiques en Europe. Ainsi peut-on lire dans un traité de botanique du XIesiècle (Old English Herbarium) à propos des applications du cannabis sur la poitrine écorchée :
«Frottez le cannabis avec de la graisse, enduisez-en la poitrine, cela fera disparaître la grosseur
; s’il y a en plus une accumulation de causes pouvant provoquer une maladie, celles-ci seront éliminées également ».Le cannabis est aussi mentionné dans les principaux manuels d’herboristerie et dans les traités de médecine des siècles suivants, par exemple dans le
Contrafayt Kreüterbuch de OttoBrunfels (1488-1534), le Kreütterbuch de Hieronymus Bock(1498-1554), le New Kreüterbuch de Leonard Fuchs (1501-1566) et le Neu vollkommen Kräuterbuch de Jacobus TheodorusTabernaemontanus (1520- 1590). En 1485, l’herboriste Peter Schoofer indique dans son manuel que le cannabis était appliqué en cas de ballonnement du ventre, d’hydropisie, de douleurs anales et comme pansement sur les abcès ou les furoncles. Il soulagerait les douleurs causées par des blessureset la décoction de racines et graines de chanvre, mélangée avec de l’huile de rose , serait bénéfique dans le traitement de l’érysipèle, une maladie infectieuse de la peau. Les inhalations soulageraient les maux de tête. Le médecin et philosopheParacelse (1493-1541) décrit le cannabis dans un grand nombre de ses travaux. C’est notamment dans l’un de ses ouvrages Das Neunte Buch in der Arznei, qu’il mentionne le cannabis commeun des composants du Arcana compositum , médicament auquelil accorde une place de tout premier choix.

John Parkinson (1640), médecin du roi d’Angleterre, cite des herboristes des siècles précédents tout en ajoutant quelquesidées nouvelles : les graines de chanvre bouillies dans du laitaideraient en cas de toux sèche et chaude. Il ajoute également,« en cas de jaunisse, en particulier au début de la maladie,quand elle est encore accompagnée de frissons, elles réduisent le blocage de la vésicule biliaire ( …). Elles soulagent aussi les douleurs des coliques. Elles diminuent le liquide désagréable émanant des intestins (…). On les considère comme très utiles pour tuer les vers qui infestent l’homme et les animaux

Egalement les vers dans les oreilles ou pour faire partir touteautre créature qui y serait entrée (…). On dit qu’une décoctiondes racines soulage les maux de tête et qu’une autre partie de la plante (…) réduit les douleurs causées par la goutte, les tumeurs indurées, les nodosités des articulations, la contractiondes tendons et diverses autres douleurs comme celles au niveau de la hanche. C’est aussi bon aux endroits brûlés par le feu, sion mélange son extrait frais avec un peu d’huile ou du beurre . »

Dans son ouvrage Apparatus medicaminum tam simpliciumquam praeparatorum et compositorium, le professeur deGöttingen, John Andreae Murray (1776-1789) consacra douze pages à l’étude du cannabis. Il le recommande comme analgésique et anesthésiant ainsi que pour traiter la gonorrhée(blennorragie) et la jaunisse. Le père de l’homéopathie, Samuel
Hahnemann, écrit en 1797 que « si jusqu’à présent ce ne sont que les graines qui sont utilisées, il semble que d’autres parties de la plante soient encore plus efficaces et méritent également de gagner en considération ».

Le Cannabis Sativa L. figurait parmi les premières plantes utilisées en homéopathie.


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