Coup de hache sur le hasch

Tandis que le débat sur la dépénalisation du cannabis s’installe en France ou au Royaume-Uni, les Pays-Bas, précurseurs en la matière, font marche arrière et s’apprêtent à durcir les règles.

Juste devant la porte du Fly’n High, un coffee shop du centre de Breda [dans le sud du pays], est garée une grande Volvo noire immatriculée en Belgique. De nombreux Belges et Français viennent en voiture dans la région pour y acheter du hasch ou de l’herbe. Mais, après l’été 2011, ils pourront s’épargner le voyage. Dès que le “passe cannabis” sera introduit, les touristes étrangers ne seront plus les bienvenus dans les quelque 660 coffee shops que comptent les Pays-Bas. Cela vaut donc aussi pour les hordes de touristes à Amsterdam qui considèrent les coffee shops comme une attraction à ne pas manquer.

Les points de vente de cannabis vont devenir des clubs fermés. La mesure avait déjà été annoncée dans le programme du gouvernement [de droite], cependant, depuis la fin mai, elle est officielle. Les ministres Ivo Opstelten (Sécurité et Justice, membre du parti libéral VVD) et Edith Schippers (Santé publique, aussi membre du VVD) ont rendu public leur rapport tant attendu sur les drogues. Le projet propose essentiellement que les fumeurs de haschisch deviennent désormais membres d’un coffee shop. Pour obtenir un passe cannabis, il faudra avoir plus de 18 ans et demeurer aux Pays-Bas. Sur ce dernier point, le Conseil d’Etat doit encore se prononcer [en juillet]. Le Conseil se penche sur la question de savoir s’il est possible de refuser l’accès d’un coffee shop à un non-résident. La Cour européenne de justice a déjà fait savoir qu’un tel refus n’est pas contraire au droit européen.

Un coffee shop ne pourra désormais avoir qu’un nombre limité de membres. On n’en connaît pas encore le nombre exact. Selon Ivo Opstelten, il devrait se situer entre 1 000 et 1 500 personnes. Mais les maires pourront toujours réviser ce nombre à la baisse, a souligné le ministre. Il n’est pas inconcevable que certains coffee shops n’aient que quelques dizaines de membres. Enfin, le gouvernement veut réduire la visibilité des coffee shops pour les élèves. Actuellement, un coffee shop ne peut pas se situer à moins de 250 mètres d’un établissement scolaire. Cette distance sera portée à 350 mètres.

Ces propositions suscitent beaucoup de critiques. Les grandes villes, dont Amsterdam, Maastricht et Bois-le-Duc, se sont prononcées ces derniers mois contre l’introduction du passe. Si les clients ne peuvent plus avoir accès à un coffee shop, craignent-elles, le trafic se déplacera dans la rue. Et d’autres problèmes se poseront certainement. De riantes perspectives s’ouvrent pour les dealers.
Bien que les ministres Schippers et Opstelten aient promis d’être vigilants vis-à-vis de tels effets indésirables, ils partent du principe que les touristes étrangers intéressés par la consommation de drogues ne viendront plus. Car l’intérêt, pour beaucoup d’entre eux, est de pouvoir se tourner vers des marchés illégaux qui existent dans leur voisinage direct, écrivent-ils dans leur document.

Cela suscite les rires moqueurs des intervenants dans le secteur du cannabis. Il est naïf de croire que les Belges et les Français ne vont plus venir, estime Rick Brand, propriétaire du De Baron, à Breda, et président de l’association Actieve Bredase Coffeeshops [les coffee shops actifs de Breda]. Si la police de Breda se lance dans une chasse aux narcotouristes, ils iront retrouver un dealer à Oosterhout [à une dizaine de kilomètres de Breda]. Mais ils continueront de venir : la qualité du cannabis ici, aux Pays-Bas, est nettement supérieure.
Il indique un autre risque associé au trafic à l’extérieur des coffee shops : la distinction entre drogues douces et drogues dures s’estompe. Quand on veut acheter pour 20 euros de cannabis et qu’on voit chez un dealer de la poudre et toutes sortes de cachets posés sur la table, on est tenté de goûter à autre chose. C’est aussi simple que ça.

Mais Rick Brand se dit moins inquiet du passe cannabis que du nouveau critère de la distance. La discussion ne porte à présent pratiquement que sur le passe, mais l’application de la règle des 350 mètres est bien plus dangereuse. Elle va permettre à Ivo Opstelten, en termes de fermeture d’établissements, d’obtenir vraiment des résultats. A l’issue d’un récent inventaire dans 14 municipalités néerlandaises, qui comptent au moins une dizaine de coffee shops, il s’avère que près de 60 % des points de vente vont devoir fermer lors de l’application de ce nouveau critère. A Amsterdam, sur un total de 223 coffee shops, 187 sont concernés. Les ministres Edith Schippers et Ivo Opstelten espèrent qu’à la fin de l’été les mesures seront effectives dans le sud du pays. Le reste des Pays-Bas suivra.


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