Dépénalisation du cannabis. Avis croisés à Brest

À l'heure où l'éternel débat sur la dépénalisation du cannabis va fatalement refaire surface par la grâce d'une élection, trois acteurs brestois du monde judiciaire apportent leurs éclairages et positions : un vice-procureur -Bastien Diacono, qui ouvre le feu- un avocat et le patron de la brigade des stups.

L'avis d'un avocat brestois, Me David Rajjou
La brigade des stups de Brest: "totalement contre"

Monsieur le procureur, mettons tout de suite les pieds dans le plat. Êtes-vous pour ou contre l'idée de dépénaliser l'usage du cannabis?
D'abord, je ne juge pas la loi que j'applique. Ce n'est pas ma fonction et au ministère public, nous avons cette obligation de réserve. Ce que je peux juger ce sont les conséquences pratiques de la consommation de cannabis sur le maintien de l'ordre public. Je pense, notamment, à la conduite automobile, qui est tout de suite altérée, après ne serait-ce qu'un joint.

Comme après l'absorption d'alcool, qui est légale...
Peut-être, mais il faut distinguer, pour l'alcool, l'usage et l'abus. On peut boire très modérément et conduire; on ne peut pas fumer un joint et conduire. Ce sont de faux parallèles, souvent entendus, qui sont préjudiciables à la lutte contre deux problèmes bien différents.

Est-ce que la conduite est le seul effet pervers du cannabis sur le fameux ordre public?
Non, bien sûr. Le cannabis est, àmon sens, un facteur d'isolement social qui coûte cher etgénère des besoins financiers que certains consommateurs nepeuvent assurer que par le vol ou, à leur tour, la revente de produits stupéfiants.



Justement, aux Pays-Bas, lavente est encadrée...

Attendez! Aux Pays-Bas, la vente encadrée n'a pas estompé le trafic. D'ailleurs, à ce que je sais, les Hollandais sont en train de faire machine arrière et vont interdire la vente de cannabis aux étrangers dans les coffee-shops, car elle crée des nuisances à la société hollandaise. Et puis, regardez: la législation sur le tabac n'a jamais empêché le trafic de cigarettes.

Donc, la loi française actuelle vous paraît adaptée?
Oui, parce qu'une prohibition relative me paraît impossible. Àl'extrême rigueur, on pourrait autoriser une possession réglementée mais elle serait difficilement applicable, car entraînant fatalement un surcroît de contrôle qui serait vécu comme une tracasserie supplémentaire pour les usagers.

Aujourd'hui, quelle est la réponse judiciaire apportée aux consommateurs de cannabis?
La règle veut que l'on donne une réponse pénale à chaque personne contrôlée. À Brest, jem'attache à ce que ce soit lecas. L'action publique permet une palette de réponses coercitives, qui vont du simple rappel à la loi au procès correctionnel, en passant par un stage de sensibilisation aux produits stupéfiants. Tout dépend de la gravité, du passé judiciaire et de la consommation occasionnelle ou régulière de la personne appréhendée. Ceci dit, on peut avertir doucement une fois, deux fois mais pas trois. Au bout de la troisième fois, même pour des possessions modestes, je renvoie en correctionnelle. L'usage de cannabis reste puni par la loi, jusqu'à un an d'emprisonnement. J'ajoute qu'il faut se départir del'image du pétard sympa façon baba cool. Aujourd'hui, les produits sont plus fortement dosés qu'il y a 20 ou 30 ans. Àmon sens, fumer régulièrement est, de nos jours, une forme d'hédonisme égoïste pour trouver seul des plaisirs que l'on ne trouve plus en communauté.

  • Propos recueillis par Steven Le Roy
[Source:letelegrame]

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