Il n'y a pas eu beaucoup de bruit du côté des activistes du cannabis et on n'a pu lire aucune protestation dans les journaux réac' quand on a commencé pour la première fois à prescrire légalement du cannabis. Il y a encore quelques années, pouvoir prescrire du cannabis aux personnes atteintes de sclérose en plaque se trouvait tout en haut de la liste des revendications des activistes et aujourd'hui, dans certains pays, nous devrions être contents. Ou quelque chose comme ça…
Le fait est qu'au Royaume Uni par exemple, en permettant enfin à ce tiers de personnes malades de sclérose en plaque qui utilisent actuellement du cannabis illégalement de ne plus être poursuivies, le gouvernement a sous traité la distribution du cannabis médical à l'industrie pharmaceutique, plus précisément à GW Pharmaceuticals.
Contrairement à ce qui se passe en Californie ou dans d'autres états progressistes d'Amérique, le gouvernement britannique ne reconnaît actuellement l'efficacité des traitements médicaux à base de cannabis que pour la spasticité musculaire liée à la sclérose en plaque et non dans le cas d'une grande quantité de traitements possibles allant du cancer à l'insomnie pour lesquels les médecins américains peuvent les prescrire. Là-bas, la prescription du médecin permet d'acheter une quantité énorme de têtes brutes dans des dispensaires spécialisés où des "experts" peuvent donner des conseils sur les variétés les mieux adaptées au traitement préconisé. Au Royaume Uni, par contre, la seule manière de se procurer du cannabis autorisé par le gouvernement avec une prescription médicale est sous la forme d'un spray qu'on appelle Sativex. Il pourrait sembler positif que le gouvernement reconnaisse enfin certaines valeurs médicales du cannabis. A leur manière typiquement britannique, ils ont fini par admettre que c'est un traitement adéquat et efficace.
Une chose intéressante à cette nouveauté est que GW Pharmaceuticals a, avec toutes ses installations, laboratoires, équipements et surtout, leur argent, développé certaines recherches assez intéressantes et largement documentées sur le cannabis et la manière dont il nous affecte réellement. De leur point de vue, de nombreuses autres maladies pourraient être traitées avec cette substance, ce qui ferait aussi plus d'argent pour eux. Ils deviennent ainsi les alliers de la communauté cannabique. En démontrant certains des effets positifs de l'usage du cannabis, on a l'espoir de voir son image s'améliorer aux yeux de la population en général, surtout après l'avalanche de critiques de la substance de la part des médecins comme dans cet article du Lancet Journal en 2007:
"L'usage du cannabis et les conséquences psychotiques et affectives pour la santé mentale: une étude systématique". Ils y révèlent une relation supposée entre le cannabis et la psychose. Ironiquement, dans la liste actuelle des maladies qui pourraient être soignées par le cannabis de GW, la psychose se trouve précisément tout en haut.
C'est en 1988 que les scientifiques ont pour la première fois découvert le système endocannabinoïde du corps humain. Il s'agit de récepteurs naturels de cannabinoïdes (CB1 et CB2) qui se trouvent dans tous les cerveaux humains. Quelques années après, ils découvrent le ligand correspondant appelé Anandamide, ce qui veut dire béatitude. La découverte de ces connexions entre le cerveau humain et le cannabis à travers les récepteurs et les "endocannabinoïdes" a ouvert la voie de la recherche sur les applications médicales du cannabis. Cela a démontré à la communauté scientifique les diverses manières de fonctionner de notre corps et notre cerveau, et notamment de la perception de la douleur, de l'état d'esprit, du contrôle musculaire, du sommeil, de l'anxiété, de la psychose, etc…
Ces recherches ont à ce jour identifié deux types principaux de cannabinoïdes qui affectent le système endocannabinoïde humain: le D9-THC (Delta-9 Tetrahidrocannabinol) et le CBD (Cannabidiol). Tous deux composent le Sativex. Selon leurs propres termes : "Le THC possède des propriétés analgésiques, antispasmodiques, anticonvulsives, antiinflammatoires, antiémétiques et stimule l'appétit; tandis que le CBD a des effets anticonvulsifs, antipsychotiques, antioxydants, neuroprotecteurs et immunomodulateurs." D'autres études ont démontré les effets du cannabis sur le sommeil et découvert que "15 milligrammes de THC sont apaisants alors que 15 milligrammes de CBD stimulent la vigilance, augmentent les réveils durant le sommeil et compensent l'activité apaisante résiduelle des 15 mg de THC."
Il est clair que ces deux cannabinoïdes interagissent d'une manière très intéressante que nous commençons à peine à comprendre. Ils sont tous deux présents dans la grande majorité des plantes de cannabis mais à des proportions différentes en fonction de la plante ellemême. Les développements récents de variétés de cannabis ont eu pour but délibéré d'augmenter les niveaux de THC et de réduire ceux de CBD pour obtenir un effet plus puissant et euphorisant sans le contre-effet du CBD. C'est la même logique que celle qui a finalement abouti à la production d'un cannabis médicalement adéquat.
Consommé en même temps, le CBD module les effets du THC. Pour cette raison, GW les a parfaitement équilibrés dans le Sativex et a ainsi totalement éradiqué l'effet enivrant. Ce qui fut l'obstacle le plus important pour GW, c'est de créer un produit qui ne défonce d'aucune manière. Les paradis sont interdits! En outre, les recherches ont également découvert qu'administrés séparément, avec en premier le CBD et ensuite le THC (une expérience menée sur des humains volontaires), le premier inhibe la décomposition du THC dans le foie et son niveau augmente dans le cerveau plus longtemps. Globalement, le CBD avant le THC défonce plus.
Dès lors, comment produit-on exactement cette préparation cannabique?
Le Sativex est un spray qui est absorbé à travers les muqueuses de la bouche. Sur l'étiquette on peut lire que: "Chaque pulvérisation de 100 microlitres contient 2,7 mg de Delta 9-trétrahydrocannabibol et 2,5 mg de cannabidiol provenant du Cannabis Sativa L." Pour le produire, GW cultive ses propres plantes de cannabis dans un lieu tenu secret dans le sud de l'Angleterre. Ils utilisent principalement une variété contenant un taux élevé de THC sans CBD et une variété au taux élevé de CBD sans THC. La variété au CBD est cultivée chimiquement en extérieur. Il s'agit d'une fibre de chanvre sans THC ou d'une variété ruderalis, alors que la variété avec THC est cultivée en intérieur ou en serre durant l'été. Ils ont perdu beaucoup de temps à essayer de cultiver en serre durant l'hiver avant que GW ne comprenne que l'intensité de la lumière joue un rôle crucial dans la production du THC (quelqu'un ici ne le savait pas encore?).
Après, ils ont fait du hasch (qu'ils ont appelé "préparation de trichomes enrichis" ou ETP) ou plus exactement, du Bubble hasch, à partir des têtes séchées. Ils auraient pu s'épargner de nombreux efforts s'ils avaient consulté un cultivateur expérimenté. Quoiqu'il en soit, il n'est pas désagréable de voir des hommes en blouse blanche faire la promotion de la confection du hasch. Dans leur cas, ils n'utilisent que 6 ou 7 processus d'extraction avec des tamis ou des filets (comme le système de sacs à 75 et 25 microns) afin de séparer les glandes utiles. Leurs recherches ont démontré que la majeure partie des cannabinoïdes de la plante se trouvent dans les glandes verticales des têtes (à nouveau, on aurait pu leur expliquer!) qui ont une taille moyenne de 75-100 microns et ne peuvent être collectés que dans des mailles de 75 microns. Le hasch de THC (ETP) et le hasch de CBD sont mélangés dans une suspension d'éthanol.
Et voici le Sativex!
Ça n'a rien d'original d'observer ce que la plante de cannabis a de surprenant mais plus on en apprendra des recherches scientifiques rigoureuses, mieux on pourra convaincre la population de l'absurdité de la prohibition. Le fait que le cannabis puisse avoir tant d'applications médicales pour nous soigner alors que d'autres produits sont inefficaces ou provoquent de nombreux effets secondaires et que lui n'est pas du tout toxique et ne produit pas d'effets secondaires désagréables, se devait d'être un rêve pour les compagnies pharmaceutiques. Que les êtres humains possèdent dans leur corps leurs propres cannabinoïdes naturels (anandamide) ainsi que les récepteurs cérébraux correspondants, et que le cannabis est le seul autre endroit à l'extérieur de notre corps où on trouve ces composants, suppose qu'il existe une longue histoire de l'évolution entre nous et la plante de cannabis. De fait, il existe de nombreux documents évoquant des hommes mangeant les semences ou utilisant ses fibres, et une récente fouille dans le désert de Gobi en Chine, a fait la découverte d'une tombe d'un homme aux yeux bleus enterré avec 789 grammes d'herbe qui s'est conservée et contenait toujours du THC actif après 2700 ans. L'homme a évolué parallèlement au cannabis, l'a cultivé et sélectionné à toutes les époques.
C'est une bonne nouvelle de savoir que les malades de sclérose en plaque peuvent être libérés des symptômes de la maladie grâce au Sativex. Il faut très longtemps avant de pouvoir lancer sur le marché un nouveau médicament et c'est très pénible pour ceux qui l'attendent.
Aujourd'hui, GW attend d'obtenir l'autorisation pour l'usage du Sativex pour de nombreuses autres maladies sans devoir faire d'autres recherches et études. Le Sativex a tiré un trait entre le cannabis médicinal et le cannabis récréatif. C'est la différence la plus importante entre le Royaume Uni et la Californie ou la Hollande où l'on admet que le cannabis est bénéfique et où le malade est autorisé à décider lui-même comment l'administrer et comment l'acheter. La question de savoir si c'est positif ou non peut être débattue.
Les cannabiculteurs, comme les obtenteurs et les experts en cannabis, réagissent déjà à ces nouvelles études et en particulier aux effets bénéfiques du CBD. Jorge Cervantes, Howard Marks et Shantibaba se sont inscrits dans "l'équipe CBD", alors que Jaime de Resin Seeds en Espagne vient d'analyser une plante qui contient des taux équilibrés de THC et de CBD. Ce dernier a lancé un programme pour le développement de graines qui auront toujours ce profil chimique et qui démontre clairement que la communauté cannabique prend à son compte les nouvelles découvertes. Le problème, c'est que pour connaître le profil chimique d'une plante, il fauta l'analyser en laboratoire. La plupart des sélections de plantes se font avec comme critère la taille, l'arôme, le rendement et les effets, et non en fonction du profil des cannabinoïdes. Ce qui signifie que nous avons d'une part des experts et des producteurs de cannabis qui ont des ressources limitées mais de nombreuses connaissances et une grande expérience et de l'autre, la firme pharmaceutique GW et tout son argent, ses ressources et savoirs scientifiques, qui se consacrent à la même chose. Et au fond, avec le même objectif: produire une médecine à base de cannabis qui est efficace. Mais tous deux sont lésés par le manque de ce dont dispose l'autre. On verra à quoi tout cela va mener…
Les médicaments ont pris beaucoup de temps pour sortir sur le marché, mais plus on recommandera le cannabis pour un plus grand nombre de maladies et plus il sera difficile pour le lobby anticannabique de la présenter comme une "herbe diabolique" de la propagande des années 1930. La communauté médicale a commencé à réellement considérer le cannabis comme une panacée possible. L'opinion publique nord-américaine est à 70% en faveur de la législation fédérale sur le cannabis. La Suisse a commencé à considérer l'usage personnel de cannabis comme un délit non punissable. Le Portugal a décriminalisé toutes les drogues et partout en Europe, les lois sur l'usage personnel de cannabis deviennent progressivement plus tolérantes, excepté en Grande Bretagne. Ce qui est sûr, c'est que le sujet ne va pas partir en fumée, surtout maintenant que l'appétit des firmes pharmaceutiques s'est ouvert…
SoftSecret
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