Amsterdam devrait sans problème accueillir des milliers de touristes dans ses fameux coffee shops pour le réveillon. Et probablement pour les suivants. En mai, le gouvernement conservateur annonçait l’entrée en vigueur fin 2011 dans les villes du Sud et début 2012 dans le reste du pays du « weed pass », une carte réservant l’accès à ces cafés où se vendent herbe et haschich aux seuls Néerlandais. Mais 2012 approche à grands pas et les signaux de fumée sont pour le moins contradictoires.
D’un côté le gouvernement campe sur sa fermeté, renforcé par un avis favorable du Conseil d’Etat de fin juin, et en a même rajouté il y a un mois, en annonçant vouloir limiter à 15% le taux autorisé de THC, le principal alcaloïde du cannabis.
« C’est idiot, m’explique, en français, Mario Lap, de la fondation néerlandaise Drugtext. Comment contrôler une production qui est de toutes façons illégales. Pour pouvoir contrôler le taux de THC, il faudrait légaliser. Quant aux cofee shops, ils n’ont pas de laboratoires pour réaliser ces tests. »
En temps de crise et dans un pays libéral comme les Pays-Bas, des policiers seront-ils affectés à la mesure du taux de THC? Et qualifier de « drogue dure présentant des risques inacceptables » le cannabis dépassant les 15% de THC a-t-il réellement un sens en termes de santé publique, lorsque l’on sait que de nombreuses autres molécules entrent en jeu dans l’ivresse cannabique?
La limitation du taux de THC ne devrait donc pas entrer en vigueur de si tôt. Pas plus que la fermeture des cofee shops pour les touristes, en tous cas hors des villes du Sud. Car les Pays-Bas ne sont pas la France et un gouvernement ne peut y imposer une mesure sans un minimum de consensus. Surtout lorsqu’il est minoritaire au Parlement.
Aux termes de la loi néerlandaise, l’application de la réglementation sur le cannabis dépend en effet du maire. Or, ces derniers ne sont pas favorables à ces mesures. Et surtout pas le travailliste Eberhard van der Laan, maire d’Amsterdam, où se situent un tiers des cofee shops néerlandais. L’élu a déjà, à plusieurs reprises, confié son inquiétude:
« Concernant les problèmes de deal de rue à grande échelle qui vont se poser mais aussi pour la santé publique, parce qu’avec le deal de rue, nous ne pouvons nous assurer de la qualité des drogues douces ou de l’âge des consommateurs. »
Plus au Sud, à Maastricht, la ville la plus concernée par les nuisances engendrées par les fumeurs européens en goguette, les propriétaires de cofee shops ont d’eux-mêmes décidé il y a un mois d’interdire d’entrée tous les étrangers à l’exception des Belges et des Allemands, les voisins directs « parce qu’ils utilisent les transports en commun et ne posent donc pas de problème de circulation ». Une tentative de contenter la municipalité qui menace de fermer purement et simplement les cofee shops si les nuisances ne diminuent pas. Mais selon Mario Lap, cette interdiction a entraîné une baisse du chiffre d’affaires de 16% difficile à absorber pour les propriétaires. Pire:
« Neuf conseils de quartiers de la ville ont dit la semaine dernière qu’il fallait arrêter ça, parce que les dealers réapparaissent dans les rues et qu’il y a plus de problèmes qu’avant. »
Autre problème, alors que le ministre espère au moins pouvoir imposer son passe cannabis au 1er janvier 2012 dans les villes du Sud, « les villes refusent parce qu’elles n’ont pas les forces de police pour ça ». Or le ministre ne peut pas, en l’état, obliger les maires à appliquer cette mesure contre leur volonté. Pour ce faire, comme l’a rappelé le Conseil d’Etat fin juin, la mesure nécessiterait l’adoption d’une nouvelle loi. Or le gouvernement ne semble pas disposer de majorité sur cette question. Un argument sur lequel ont rebondi les propriétaires du Bulldog, la principale chaine de cofee shops d’Amsterdam, qui tente de rassurer ses nombreux clients étrangers: « La législation sous laquelle opèrent les cofee shops a été renouvelée en l’état le 1er juillet 2011 er reste donc valide jusqu’au 30 juin 2015. »
Dernier argument, et non des moindres: en période de crise, qui souhaiterait se passer des recettes liées au tourisme du cannabis? A Amsterdam, un touriste sur quatre fréquente les cofee shops, une manne qui explique que les responsables de l’office du tourisme de la ville dénoncent eux aussi les projets du gouvernement. Bref, il coulera de l’eau dans les canaux avant que les touristes ne soient bannis des fumeries d’Amsterdam.
Arnaud Aubron
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