Si le gouvernement néerlandais avait voulu envoyer un message clair sur sa détermination à faire la chasse aux narcotouristes, il ne s’y serait pas pris autrement. Pour la première fois en 24 ans, la police a en effet effectué ce jeudi une descente à la Cannabis cup organisée à Amsterdam par le magazine spécialisé High Times.
Les participants ont été invités à quitter la halle d’exposition afin d’être fouillés par les forces de l’ordre à la sortie. Deux heures ont été nécessaires à la cinquantaine d’officiers de police et aux deux douzaines d’agents du fisc pour vider la halle d’expo. Selon un message sur Twitter de Dana Larsen, ancien rédacteur en chef du magazine canadien Cannabis Culture, présent sur place:
« Tout le monde verra son herbe confisquée mais personne ne sera poursuivi. C’est la première fois que ça arrive en 24 ans. »
Toujours selon Dana Larsen, sur le site de Cannabis culture:
« J’ai demandé à un policier la raison de cette descente et il m’a expliqué que des agents sous couverture avaient enquêté au sein de l’expo mardi et avaient constaté des violations de l’opium act. »
La Loi sur l’opium régit le statut des drogues aux Pays-Bas, où le cannabis n’est pas légal mais toléré à certaines conditions. Le policier aurait ainsi expliqué que des exposants offraient des échantillons gratuits d’herbe ou de hasch ou encore proposaient de tirer sur des bongs pour goûter leur produit. Ce qui rentre en contradiction avec l’interdiction de toute publicité ou de tout prosélytisme prévue par la loi néerlandaise. Ayant moi-même fréquenté l’endroit par le passé, l’accusation est plus que crédible, mais cela n’avait jamais dérangé qui que ce soit jusque-là. Un seul exposant aurait été arrêté pour avoir dépassé le stock de cannabis autorisé.
Selon les responsables de High Times, cette descente serait due à « une incompréhension » avec les autorités, qui aurait été finalement réglée avant le dernier jour de l’exposition, ce jeudi, qui devrait donc se dérouler normalement.
La Cannabis cup est organisée depuis la fin des années 80 aux Pays-Bas par le magazine américain. Le grand public, en majeure partie des touristes étrangers et particulièrement américains, paie le droit d’être jury puis vote pour les différents types d’herbe ou de hasch en compétition, comme pour les meilleurs coffee shops. Une coupe gagnée à la High Times Cannabis Cup assure d’importants débouchés aux sociétés commercialisant notamment les graines de cannabis.
Une autre Cannabis cup, néerlandaise celle-là, est organisée chaque année par le magazine local Highlife. Les juges y sont cette fois des « professionnels », néerlandais pour la plupart, choisis pour leur connaissance du cannabis.
Cette descente de police intervient dans un contexte tendu aux Pays-Bas. Le gouvernement conservateur, minoritaire au Parlement, cherche à éloigner les touristes des cofeee shops. Selon ses plans, ces cafés où le cannabis est en vente libre deviendraient des clubs privés réservés aux membres. Seuls les résidents néerlandais pourraient obtenir les « weed pass » nécessaires.
Mais cette mesure n’est pas du goût de tout le monde aux Pays-Bas et en particulier des maires de grandes villes, qui sont, aux termes de la loi, chargés de faire appliquer la réglementation sur le cannabis. Le maire travailliste d’Amsterdam a ainsi publiquement exprimé son opposition au projet du gouvernement, qui ne devrait donc pas concerner la principale ville du pays avant un petit bout de temps. Le passe cannabis pourrait par contre entrer en application dès janvier 2012 dans les villes du Sud, dont Maastricht, les plus concernées par le « narco-tourisme ».
Faute de pouvoir forcer les maires à appliquer ses nouvelles mesures, le gouvernement semble adresser, avec la descente d’hier, un message explicite aux centaines de milliers de touristes qui viennent chaque année à Amsterdam profiter de la tolérance battave: nous ne voulons plus de vous.
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