Des scientifiques l'affirment : la psilocybine, la substance active des "champignons magiques" ou "champis", peut aider les personnes dépressives.
Des champignons hallucinogènes. Crédits : AFP/Evert-Jan Daniels.
La première enquête, publiée le 23 janvier, dans Proceedings of the National Sciences – la revue de l'Académie nationale des sciences états-unienne – a été menée par David Nutt et Robin Carhart-Harris, de la prestigieuse université londonienne, the Imperial College of Science, Technology and Medicine. Trente sujets sains se sont vu injecter de la psilocybine en intraveineuse, et leur cerveau a été observé par imagerie par résonance magnétique (IRM). L'activité dans le cortex préfrontal, qui est hyperactive chez un sujet dépressif, s'est durablement réduite chez le groupe test.
Une deuxième étude, qui sera publiée le 26 janvier dans le British Journal of Psychiatry, a été conduite par les mêmes chercheurs sur une dizaine de sujets. Selon leurs conclusions, la substance favorise la remémoration des souvenirs positifs chez les sujets qui prennent la substance active, par comparaison au groupe soumis au placebo. "Nos résultats soutiennent l'idée que la psilocybine facilite l'accès aux souvenirs personnels et aux émotions, a fait valoir M. Carhart-Harris.Ces effets doivent faire l'objet d'investigations plus poussées, mais cela suggère que combinée à une psychothérapie, la psilocybine peut aider les dépressifs à se focaliser sur les événements positifs de leur vie et inverser leur tendance au pessimisme."
Un traitement complémentaire
Présentée comme un traitement secondaire, la psilocybine peut présenter des"bénéfices durables" après une seule prise, en comparaison avec les antidépresseurs, qui doivent être pris quotidiennement et qui comportent de nombreux effets secondaires, a précisé M. Nutt. Or, indique son collègue M. Carhart-Harris, aucun effet secondaire n'a été observé lors de leur enquête. Les deux scientifiques s'appuient par ailleurs sur une récente étude menée par Roland Griffiths à l'université John-Hopkins, qui a constaté une diminution de la dépression chez des patients atteints de cancer en phase terminal après un traitement à la psilocybine.
Pour le Pr Nick Craddock, de l'université de Cardiff, interrogé par The Independent, ces éléments ne sont pas suffisants pour convaincre les psychiatres que la psilocybine est sûre, efficace et acceptable.
Une nouvelle étude au Royaume-Uni
Les champignons hallucinogènes sont en général mangés, mais ils peuvent être séchés puis fumés ou préparés en tisane. Ils ont été utilisés pendant des années dans des cérémonies de guérison et ont été largement employés dans la psychothérapie dans les années 1950-1960, a souligné le chercheur. A l'époque, de nombreuses études avaient été menées sur des drogues telles que le LSD et la psilocybine, notamment au sein de la très prestigieuse université Harvard, sous l'impulsion du neuropsychologue américain Timothy Leary. Mais ces recherches ont été suspendues, les champignons hallucinogènes étant considérés comme une substance dangereuse aux États-Unis et l'instance fédérale The National Institute on Drug Abuse leur niant toute légitimité médicale.
Le Pr Nutt se défend de toute comparaison avec le gourou américain des drogues."Je ne suis pas pour recommander à quiconque de prendre de la drogue. Je dis simplement que nous devons avoir une approche plus scientifique, rationnelle, des médicaments et des drogues et que vilipender des substances comme la psilocybine alors que le gouvernement promeut activement dans le même temps des drogues beaucoup plus dangereuses comme l'alcool est totalement stupide sur le plan scientifique", a toutefois précisé M. Nutt à la BBC. Le scientifique a été limogé par le ministre de l'intérieur de son rôle de consultant du gouvernement sur les drogues, en 2009, après qu'il eut tenu des propos similaires. Il avait conclu dans un rapport que l'ecstasy, le cannabis ou le LSD étaient des substances moins dangereuses que l'alcool ou la cigarette.
Quoi qu'il en soit, les conclusions des études menées par MM. Nutt et Carhart-Harris ouvrent potentiellement la voie à de plus amples investigations. Des essais cliniques pourraient être mis en place dans le courant de l'année au Royaume-Uni, indiqueThe Telegraph. Elle concernerait vraisemblablement soixante patients souffrant de dépression. Si son financement était approuvé par le Conseil de recherches médicales, cela représenterait une étape majeure vers la réhabilitation de ces drogues depuis que le LSD a été interdit, en 1966, souligne The Independent
Source:Lemonde
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