LES ATTITUDES DE LA NORVEGE FACE A LA REFORME DE LA POLITIQUE DES DROGUES
Des signaux de changement se sont multipliés. Le très énergique activiste Arild Knutsen, leader de l’Association pour des Politiques des Drogues plus Humaines (Foreningen for Human Narkotikapolitikk) a changé la façon dont beaucoup de gens percevait le problème. Une attention particulière fut portée il y a quelques années quand le célèbre chercheur sur le cannabis Willy Pedersen, qui avait été un fervent prohibitionniste, a annoncé qu’il avait changé d’opinion et que maintenant il était pour une distribution légale du cannabis. Pedersen a aussi critiqué la prohibition du khat et la criminalisation, en général, des consommateurs de drogues en Norvège.
En Norvège comme ailleurs, l’élite politique se compose de gens qui ont mûri après que les drogues aient été plus faciles d’accès, et quelques uns ont même reconnu qu’ils en avait consommées. Le premier ministre, Jens Stoltenberg, du parti social-démocrate a reconnu avoir été un fumeur de joint durant sa jeunesse, et sa soeur Nina est une consommatrice d’héroïne connue. En diverses occasions elle a demandé une réforme de la politique des drogues. Son père, Thorvald Stoltenberg (photo), ancien premier ministre, a été un partisan remarqué des politiques alternatives en matière de drogues. Il a été président d’une commission de haut niveau qui, en 2010, dans un rapport au Parlement de Norvège a exigé une approche plus tolérante, comme la dépénalisation de la consommation et de la possession de toutes drogues, et pour la mise en place d’expérimentation de prescription d’héroïne pour des consommateurs avérés. Il a aussi été, plus récemment, membre de la Commission Mondiale sur les Drogues, qui, comme nous le savons tous, a demandé un changement radical du régime de contrôle global dans son rapport de l’année dernière.
Malgré que les recommandations de la commission de Stoltenberg aient été rejetées vigoureusement par tous les partis politiques, il y a eu un adoucissement au niveau des attitudes et de la manière d’en parler. Les partis politiques et spécialement leurs organisations orientées vers la jeunesse portent désormais un regard critique sur le scénario de la guerre aux drogues.
Ces changements d’attitudes ont été évidents quand la revue Minerve (conservatrice) a consacré la dernière édition de 2011 à la réforme de la politique des drogues, avec écrit "Légaliser les drogues" sur la première page. En plus de quelques articles bien informés sur les politiques des drogues et le mouvement de réforme internationale, ils ont rencontré des parlementaires de tous les principaux partis politiques prêts à défendre des changements radicaux quant à l’approche publique des drogues. Minerva est associée au principal parti conservateur, Høyre, par ailleurs très prohibitionniste. L’hypocrisie de cette attitude a été démontrée quand un de ces principaux partisans de la guerre aux drogues, Henning Warloe, a reconnu être consommateur de cocaïne et d’amphétamines.
Les débats sur les alternatives au prohibitionnisme sclérosé ont duré jusqu’en 2012. Plusieurs journaux importants ont publié des articles remarquables qui demandaient la fin de la prohibition et l’expérimentation de régulation des marchés des drogues. Quelques sections locales du Parti Socialiste (SV) et du Parti Libéral (Venstre) demandent la légalisation de toutes les drogues. Même l’organisation jeunesse du Parti du Progrès (extrême droite), exige désormais la légalisation du cannabis. Le Parti du Progrès défend une économie libertaire, et leurs représentants sont connus à l’étranger pour défendre des modèles libéraux de politiques des drogues. Pourtant dans le discours qu’ils dispensent en Norvège, ils ont été les fervents défenseurs de la prohibition, demandant des peines de prison de plus en plus lourdes et rejetant toute discussion sur d’éventuelles alternatives. C’est pour ça que personne n’a été étonné quand les cadres du parti ont dénoncé sans délai la décision du parti jeunesse.
La situation actuelle en Norvège (et ailleurs) est donc que la prohibition reste enracinée dans l’institution politique mais aussi que les fissures dans la forteresse se font de plus en plus marquées. Les politiciens les plus âgés sont généralement incapables de changer d’attitude et les plus jeunes ne sont pas prêts à gaspiller leur capital dans ce qu’ils perçoivent comme une machine à perdre des bulletins de vote. Il faut qu’il y ait un changement perceptible dans l’opinion publique, ce n’est qu’ensuite que les politiciens changeront. Comme toujours, le peuple doit agir, et la politique suivra.
Par : Jan Bojer Vindheim
Source:Encod
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