Un concordat va réglementer la culture et le commerce du chanvre. Plongée dans un petit univers aux limites de la légalité
Une rue tranquille, dans un quartier résidentiel genevois. Au rez-de-chaussée d’un immeuble d’habitation quelconque, un magasin d’un genre un peu particulier. Sur la porte, une feuille A4 collée à la va-vite en guise d’enseigne. A l’intérieur flotte une légère odeur de cannabis. Le local est rempli de matériel a priori hétéroclite: terreau, lampes UV, engrais, boxes hermétiques pour la culture en intérieur… Nous sommes dans un «growshop», une boutique spécialisée dans la vente de matériel de culture du chanvre. Une dizaine d’entre eux ont essaimé à Genève et proposent la panoplie complète du petit chanvrier. Certains s’affichent ouvertement au centre-ville et vendent de tout, graines et boutures de cannabis comprises. D’autres se sont plus discrètement exilés en périphérie et ne proposent que le matériel, pas la plante elle-même. La plupart ont une durée de vie relativement brève et changent d’adresse au vent mauvais. Un commerce qui flirte avec la légalité, et franchit même parfois la ligne rouge: mercredi dernier, la police a perquisitionné un magasin carougeois. Bilan de l’opération: une petite quantité de marijuana saisie. Et une bien plus grosse au domicile du propriétaire, qui y cultivait du chanvre.
C’est pour mettre le holà à ce commerce que plusieurs cantons ont adopté courant 2011 le «Concordat latin sur la culture et le commerce du chanvre», destiné à combler les lacunes de la loi fédérale sur les stupéfiants (LStup) en permettant une réglementation du marché. Une série de mesures contraignantes pour les cultivateurs accompagne la nouvelle législation: annonce obligatoire de toute mise en culture, obtention d’une autorisation pour la vente, possibilité pour la police d’effectuer des contrôles sans mandat et tenue d’un registre des transactions. Sa portée ne s’étend toutefois qu’au chanvre dit «légal», c’est-à-dire sans effet psychotrope. Et ne touche pas non plus les personnes qui cultivent moins de cinq plantes.
Cette exemption est à l’origine d’un message contradictoire véhiculé par la presse à la mi-novembre: peut-on conclure qu’en dessous de ce chiffre le cannabis pourra fleurir librement sur les balcons l’an prochain? Ni plus ni moins qu’aujourd’hui, car lorsqu’il est cultivé pour ses effets psychotropes le chanvre sort du cadre légal et n’est plus l’objet du nouveau concordat: sa culture et son commerce demeurent interdits par la LStup, quel que soit le nombre de plantes. Une explication confirmée par Jean Studer, qui a paraphé le texte en sa qualité de président de la Conférence latine des chefs des départements de justice et police: «Il y a manifestement une mauvaise compréhension de la finalité du projet. Il ne s’agit ici que de réglementer le commerce du chanvre légal. Nous devons harmoniser les lois cantonales pour clarifier les choses. Actuellement, les cultivateurs pincés se réfugient trop souvent derrière les différences qui existent d’un canton à l’autre et plaident l’erreur.»
Source:Letemps
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